"APPEL A REFLEXION" :

Cher systémicien et ami,

Nous sommes atterrés par ce qui s'est produit aux USA. L'Union Européenne de Systémique (U.E.S.), ainsi que chaque société nationale de cette union, expriment leurs condoléances aux familles et aux amis des victimes des terroristes.

Pour essayer de s'orienter dans la mondialisation de la complexité qui fait suite à ces événements, il est urgent de faire émerger des idées neuves. Réflexions et idées systémiques sur notre monde et sa viabilité, dans la liberté et la justice, devraient constituer un moyen d'amener nos sociétés à mieux comprendre cette complexité, pour être en mesure de déterminer comment agir - plutôt qu'à simplement réagir. Et peut-être même bien plus, si nous pensons avec Margaret Mead que "il n'y a pas le moindre doute qu'un petit groupe de citoyens impliqués et imaginatifs peuvent changer le monde".
 

En tant que, à la fois, systémicien et citoyen, vous êtes cordialement invité à rédiger une approche systémique de vos propres réflexions, idées, doutes et sentiments (en français et/ou en anglais).
  


Le bureau de l'Union Européenne de Systémique

(Evelyne Andreewsky, Gianfranco Minati & Nicholas Paritsis)


 

"CALL FOR REFLECTION":

Dear Systems Scientists friends,

We are shattered by what has happened in the United States. The European Systems Science Union (U.E.S.) (together with the national Societies belonging to the Union) has expressed its condolences to the family and friends of the victims of the terrorist attacks.

In our world in torment, now ideas must come. In the framework of Systems Science, reflections and ideas on our world and its viability, in freedom and justice, should be a way to help our societies to better understand what is going on - and to design, instead of just to react. And even more, if we think with Margaret Mead that "never doubt that a small group of thoughtful, committed citizens can change the world"...

As both Systems Scientist and citizen, you are kindly required to design a systemic approach of your own reflections, ideas, doubts or feelings (either in English and/or in French).
 

The board of the European Systems Science Union
(Evelyne Andreewsky, Gianfranco Minati & Nicholas Paritsis)
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REPONSES
ANSWERS
 

Les réponses à "l'appel à réflexion" engagent exclusivement leurs auteurs
Answers to the "call for reflection" only commit their authors

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Liste des auteurs
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Evelyne Andreewsky
Bernard Balcet
Eric Beaussart
Alexander N. Christakis
Gérard Donnadieu
Marie-Claude Dupré
Catherine Guitton
Georges Y. Kervern
Diane Laflamme
Gianfranco Minati
Jean-Yves Rochoux
Eric Schwartz
Robert Vallée

_______________________________________________________________________

Evelyne Andreewsky
<andreews@ext.jussieu.fr>













“Réflexions et idées systémiques sur notre monde et sa viabilité, dans la liberté et la justice, devraient constituer un moyen d'amener nos sociétés à mieux comprendre cette complexité, pour être en mesure de déterminer comment agir - plutôt qu'à simplement réagir".

Jean Baudrillard (« le Monde » du 3 novembre) proclame que pour comprendre quelque chose à la réussite prodigieuse des attentats du 11 septembre, il faut s’arracher à notre optique occidentale. Dans ces conditions, et si l’on estime, avec Churchman et von Foerster, que « l‘approche systémique implique d’abord de regarder le monde avec les yeux de l’autre » - ce qui après tout est, me semble-t-il, ce qui se produit à chaque fois que nous lisons un texte - essayons de faire appel à quelques lectures un peu « moins occidentales » de ces événements.

Mis à part divers reportages sur les réactions spontanées et quelque peu primaires de l’homme de la rue, on ne dispose pas aisément dans nos pays de réflexions vraiment non occidentales sur les évènements récents, dans la mesure où celles auxquelles nous avons accès sont, ne serait-ce que par la langue, "occidentalisées". Citons cependant un article (« le Monde » du 4 novembre) où le président du Sénégal, tout en déplorant (bien sûr) les attentats, indique cependant que ces derniers ont au moins une retombée positive ; en effet, dans la mesure où la notion même de « superpuissance » en sort relativisée, les pays « en voie de développement » peuvent enfin forger une certaine empathie pour les USA, et deviennent en conséquence susceptibles de dialoguer avec la 1ère puissance mondiale, et non pas seulement la subir.

Le journal « le Monde » a fait s’exprimer sur le problème diverse personnalités africaines, sud-américaines ou asiatiques. Deux grands axes semblent se dégager dans cet ensemble de réflexions :
- le terrorisme est économique, dans la mesure où il est lié à une mondialisation économique non régulée, sans garde fou social – autrement dit, soumise à la loi du plus fort -, et donc appauvrissant les pays pauvres ;
- il est aussi identitaire, dans la mesure où il est lié aux chocs entre civilisations déclenchés notamment par cette mondialisation qui incarne implicitement la supériorité de la civilisation (et de la démocratie) occidentale sur toutes les autres.

Ces deux axes, en dépit de situations un peu différentes, peuvent se repérer sous toutes les réactions. C’est notamment le cas de l’Amérique du sud, où les réactions officielles de soutien aux USA (liées à un certain partenariat entre les pays latino américains et leur grand voisin) ne sont en général pas partagées par la population. La pauvreté de celle-ci est en effet démultipliée par l’affichage de la richesse des américains et par la proximité de cette richesse ; les latino-américains haïssent entre autre les américains pour leur arrogance, pour leur interventionnisme musclé, pour leur mépris de leur langue, de leurs coutumes, et pour leur indifférence. Toutes ces logiques de haine se trouvent condensées dans le dicton « pauvre Mexique, si loin de Dieu et si proche des Etats Unis ! » (repris dans toute l’Amérique du sud) qui diabolise implicitement le grand voisin !

Citons une intervention latino-américaine qui relève spécifiquement de ce qui nous intéresse ici, à savoir la réflexion systémique. Il s’agit d’un « manifeste » publié ... en anglais, dans le cadre du premier colloque latino-américain de “systémologie interprétative”, Mérida, Venezuela, octobre 2001, et signé par l’ensemble des participants à ce colloque.
 .

THE MERIDA MANIFESTO

1. We add our name to the large list of peoples that condemn the terrorist attack which regrettably took the lives of thousands of human beings last September 11. It is a defining feature of our humanity to be able to empathize with other fellow humans (i.e. to have the ability to put oneself in the position of other human being) and thus experience something close to the grief and sorrow they may be undergoing in the United States. Nonetheless, we must also add our name to two other lists. These, unlike the first are, perhaps, much shorter.

 2. We join the short list of those who clearly and strongly condemn the international behaviour of the United States government and other imperialist states in the last century and the beginnings of the twenty first. As a matter of fact, such unjustified behaviour has been, directly or indirectly, the cause of the death of millions of children and innocent people in general. We do not have to go too far in this history of State violence to see its real proportions. Just recall the criminal behaviour of the United States government at the end of the Second World War when the murder of hundreds of thousands of people in Nagasaki and Hiroshima was perpetrated. Examples of similar behaviour in Latin America abound. as a result of the illegal military invasion carried out by the USA army We recall for instance the death of more than seven thousand people in Panamá to capture General Noriega, a man that had previously worked very closely with the CIA. Let us recall also the bloody dictatorships set up by the USA government in Chile and Argentina during the seventies and eighties.
 Another example of the criminal foreign policy of USA is the long embargo this government has led against Iraq and which has resulted in the death of more than five hundred thousand Iraqi children. These examples are but a few of the many outrages and great injustices perpetrated by the USA government around the world, the proof of which are nowadays even provided by the CIA itself! It is clear then, that such a State violence -which is conducted with the active involvement of other governments such as Britain- is breeding violence all over the world. This is not to say that we justify in any way the violent events that took place in New York and Washington last September 11. However, we equally disapprove the violent and murderous response of the USA government against the people of Afghanistan (regretfully with the support of the majority of world governments). Therefore, we must add our name to a third list.

3. This list is formed by those people who reject and condemn the brutal retaliation carried out by the USA government -joined in this irrational and inhuman task by its allies- as a response to the aforementioned events of September 11. It is brutal because it rallies a coalition of the most powerful armies of the world to bombard Afghanistan, one of the poorest, most ravaged war-torn nations of the earth. Millions of Afghans are fleeing their country at this very moment, seeking refuge and starving in the process. The response is brutal also because as one can see from declarations of the White House and other government officials, they reveal a flagrant contradiction of the most cherished principles and ideals which constitute the legitimating foundation of the power of a modern democratic State, as the governments of the USA and their allies are supposed to represent. These ideals are none other than those of justice, democracy and freedom! According to those principles, these governments led by the USA should seek and bring to justice, to a fair trial in an international court of justice, those who committed the murderous attacks of September 11. However, in order to accomplish this task, they ought not launch a war to massacre innocent people, as they are doing it right now, and risk the lives of millions more (including those of their own people) who inevitably will be dragged into this war.
We must also denounce the unfair and quite disproportionate significance given to the terrorist attack of September 11 by comparison with many other terrorist acts carried out around the world -many of them performed by the US government. Let us imagine this attack had been launched against Bolivia, Nicaragua or Iraq rather than to the USA. It is not hard to see that the response of the developed nations and their friends would have been completely different. Another example of such unfairness is the fact that on September 11, the very same day of the terrorist attack -and something similar can be said of any other day- according to statistics offered by international organizations, thousands of children died of starvation in so called underdeveloped countries, in some cases as the direct result of economic policies enforced by the USA government through the IMF and the World Bank.

Should not we regret with equal sorrow the unjustified dead of these human beings? Yet there were neither special 24 hour editions of CNN for several days lamenting this tragedy nor marches in several cities showing their solidarity with the families of the victims, much less a minute of silence in Wall Street for them. How come? Why the billions of dollars being spent in the bloody revenge of the USA government against Afghanistan and other countries are not destined to feed and take care of millions of starving children in this world? Is it not here, in such a great unbalances, the key to find a peaceful solution to world terrorism? We hope these reflections will make clear why we add our names to three lists which most people would consider incompatible. Their common thread is their underlying notion of justice and the perhaps more and more uncommon ability nowadays to empathize with the grief and suffering of other human beings, regardless of whether they are US citizens, Colombians or Chinese, or whether they are Christians, Muslims, Buddhists or simply atheists.

*   *
*
Autre citation, pour souligner la complexité des problèmes auxquels nous sommes confrontés, citons Edgar Morin qui présente (« le Monde » du 22 novembre) un panorama systémique et planétaire des évènements. Il explique l’animosité contre les américains qui s’est traduit par les évènements du 11 septembre, et par les réactions à ces évènements, en termes de « conséquences néfastes de la libéralisation du marché mondial, de l’accroissement des inégalités et des crises économiques multiples. ». Il proclame que « la mondialisation du terrorisme constitue un stade de réalisation de la société-monde, car Al-Qaida n’a ni centre étatique ni territoire national, il ignore les frontières et se ramifie sur le globe. Son organisation utilise tous les réseaux déjà présents dans la société-monde (avion, téléphone, banques, Internet ...) ». Mais il n’y a pas, selon Edgar Morin d’autre réponse « sage » au terrorisme mondial menaçant notre « terre-patrie » d’un péril mortel, que l’édification d’une société-monde. « La voie actuelle, celle de la folie, est la croisade, la diabolisation et l’hystérie de guerre ; elle doit être remplacée par la prise de conscience de l’inter solidarité humaine et de la communauté du destin planétaire : le temps de répondre au défi de la complexité planétaire est venu ».

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Bernard Balcet

<bbalcet@aol.com>

Les attentats aux Etats-Unis nous amènent immanquablement à réfléchir sur les causes et sur les conséquences de ces événements. C'est donc une bonne idée de recueillir les avis de personnes qui s'intéressent à la systémique et qui ont ainsi l'occasion d'apporter leur vision ou leur sentiment.

Ma première réaction est de dire que nous avons tous à changer notre vision du monde et à agir depuis notre champ d'influence. Notre culture systémique nous donne confiance a priori sur notre capacité à le faire. Mais l'Afscet se doit de nous aider à proposer des réponses.

Relance de débats récurrents

Après une période de stupeur et avec le recul du temps, il convient de s'intéresser aux différents débats qui se sont réactivés chez toutes sortes d'acteurs (journalistes, militaires, sociologues, religieux, psychologues, économistes, géopoliticiens, historiens, etc).
Certains parlent de choc de civilisations, de guerre de religion, de croisade. D'autres font remarquer la présence séculaire de vieilles frustrations qui n'ont pas pu s'exprimer. Ils parlent de peuples qui ont un rapport difficile à la modernité ou au contraire s'investissent, avec mauvaise conscience, dans un mimétisme de l'occident. D'autres enfin y voient la concrétisation de la complexité ou l'expression des méfaits de la mondialisation.
Chaque avis peut être le départ de débats animés. D'ailleurs, la presse écrite et télévisuelle ont augmenté leurs audiences en organisant de tels débats. Une masse étonnante de savoirs resurgissent aujourd'hui après avoir plus ou moins sommeillé.
Finalement, le diagnostic et les solutions envisagées s'articulent autour de thèmes qui touchent souvent à ce que l'on appelle maintenant le développement durable avec les dimensions économiques, culturelles, politiques et temporelles.
De nombreux conférenciers trouvent ou vont trouver là une illustration de leurs thèses. Pour ma part, malgré les développements récents de la guerre en Afghanistan, qui pourraient inciter à revenir à la situation antérieure, je souhaite partir de mes premières impressions.

Recherche d'une nouvelle dynamique

Les événements font émerger des sentiments profonds, rampants, latents que certains appellent la recherche de sens. En effet, si les grandes entreprises internationales ont le sentiment d'avoir poussé à fond les logiques techniques et économiques et contemplent avec satisfaction leur création de valeur et leur retour sur investissements, en même temps, elles sentent que la dynamique humaine n'est pas à la hauteur de ces succès et s'en inquiètent.
Les acteurs (dirigeants et managers) sont plus ou moins remis en cause par les jeunes au point que les directions créent des chantiers de management inter-générations. Les consultants eux-mêmes sont soumis à de sérieuses critiques comme si leur valeur ajoutée n'était plus évidente face aux nouveaux contextes.
De fait, les méthodologies et les outils sont promus avec toujours autant de confiance dans leur pertinence mais aussi avec de plus en plus une mise en alerte par rapport à la dimension humaine. Aujourd'hui, les discours managériaux, les présentations, les annonces pour recrutement chantent les louanges des vertus humanistes tandis que simultanément sont dénoncées à la base les différentes formes de langues de bois ou de situations de harcèlement.

Pour une remise à plat et une reconstruction

Naturellement, avec les attentats, on sent bien que tout est lié, au delà de ce qu'on imaginait et avec des hypothèses nouvelles. Mais le spectacle du monde dépasse cette fois-ci la dose habituelle d'interrogations qu'apporte la presse. Il n'est plus possible d'en rester au stade du spectateur qui réfléchit, ni d'échapper à la question : que faut-il faire ? Mon sentiment est donc qu'il importe de faire basculer dans l'action les énergies investies jusqu'ici dans la réflexion et que la volonté de comprendre doit être jumelée avec la volonté d'agir.
Chacun, à son niveau, peut se dire que sa propre action est bien illusoire. C'est peut-être vrai, mais en même temps, on sait bien que certaines actions ont des effets démultiplicateurs et que dans de nombreux domaines qualifiés de complexes, il semble judicieux de repenser beaucoup de choses à la base. De même que des grains de sable font capoter de grandes opérations, qu'un simple cutter a permis de détruire des tours, des détails ne sont pas indépendants des grandes idées qu'ils concrétisent. Des exemples peuvent l'illustrer.

La banque des pauvres a rendu l'espoir dans quelques pays en développement. Avec l'aide d'une association de soutien, elle facilite le décollage d'activités le plus souvent artisanales permettant à des volontaires de retrouver leur dignité et aux populations d'améliorer leur sort.
Dans le domaine de la pollution, il suffirait d'introduire dans les méthodes d'étude du travail le critère risque de pollution au même titre que le critère sécurité, pour que l'on s'approprie cette dimension. Le plus petit facteur de risque est alors repéré systématiquement et avant qu'une catastrophe ne se produise.
Autre exemple dans le groupe Afscet-café, divers invités dont une aveugle, un animateur s'occupant de sourds, un ancien SDF, ont bien montré que des détails apparemment anodins ont des conséquences parfois insupportables. Cette violence ordinaire ainsi générée peut se résumer à l'absence d'écoute dont souffrent aussi ceux qui n'ont pas de handicap.

Le point commun à ces exemples est l'importance des détails qui sont à l'origine de problèmes ou de solutions. Pour peu qu'on les observe et qu'on les relate, ces détails sont compris spontanément par tout le monde et il est alors facile de construire la démarche faisant le lien entre le local et le global. Avec des méthodes remontantes venant compléter les démarches descendantes, il est possible de faire changer les choses en articulant la connaissance du terrain et un système d'indicateurs. Cet aller-retour local/global n'est pas seulement une satisfaction intellectuelle : c'est une façon de développer une stratégie et une emprise sur les dynamiques.

Mission pour l'Afscet

Les travaux sur la reliance et la pluridisciplinarité de l'association MCXAPC, bien connue à l'Afscet, montrent le grand intérêt de mettre en relation les cerveaux pour des connaissances actionnables. Les recherches diverses autour de la systémique et de la pensée complexe donnent ainsi un certain nombre de pistes. Par ailleurs, les analyses de terrain et les actions qui en sont issues fournissent des éléments stratégiques pour mettre en œuvre le changement. Le choc des attentats va-t-il encourager à croiser ces deux dynamiques pour les dépasser, en développant de nouvelles théories et de nouvelles pratiques ?
Après ce qui s'est passé, l'Afscet n'a pas le droit de rester au niveau de la réflexion globale ni de se contenter d'étudier, même finement, les comportements, les problèmes cognitifs ou l'aller-retour local global. Sinon, le travail dans l'approche systémique et dans la pensée complexe continuerait bien à produire de nouveaux savoirs (plans, statistiques, formules, schémas, démonstrations) mais réserveraient peu d'espace à l'individu en quête d'autonomie, de nouvelle vision et d'action.

En conclusion, je souhaiterais que l'on puisse coupler les réflexions systémiques de l'Afscet avec les approches terrain qui sont marquées par l'incertitude humaine. Mon sentiment est que les attentats conduisent l'Afscet à réfléchir aux valeurs et aux limites de ses savoirs. Les conditions sont peut-être réunies pour que des actions de terrain et des réflexions pluridisciplinaires se rejoignent dans un espace d'ouverture et d'initiative. Les talents opérationnels pourraient s'exprimer et les dynamiques profondes émerger au double bénéfice de l'action et de la réflexion. Tout le monde serait gagnant si chacun osait alors agir avec et par.

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Eric Beaussart
Résidence Dukas
35 rue de Liers
91240 St MICHEL SUR ORGE
Il vient de paraître un numéro spécial mathématiques de la revue " La Recherche ".Si il est un domaine où les objets sont simplifiés au maximum, c’est celui là. Les énoncés de propriétés, de relations, de conséquences, de méthodes mêmes, sont généralement très succincts. Il est pourtant peu de gens pour trouver les mathématiques faciles. Il en fut et il en reste une grosse majorité pour trouver simples et faciles les réflexions sur les comportements humains !

Un certain Mohammed a proposé une relation avec la transcendance simple et facile.

C’est quelqu’un qui partage ses vues qui aujourd’hui propose à des paysans " Vous aurez trois hectares fertiles, les femmes que vous voudrez, et si vous mourez, vous irez dans une oasis éternelle, avec des vierges rien que pour vous ".

Pendant ce temps, ceux qui considèrent comme très compliquées les relations avec la transcendance, et déjà difficile la recherche du bonheur sur terre, ne trouvent généralement guère mieux que de s’en remettre à une main invisible qui, au-delà du chaos des empoignades capitalistes, procurerait, non seulement chez eux mais aussi à travers le monde, à chacun ce qu’il mérite pour ses efforts en vue de vivre décemment.

Combien de fois ai-je entendu cette expression de la " Sagesse Populaire " et de ce Bon Sens si bien partagé: " Le mieux est l’ennemi du bien! ". Il nous faut êtres certes audacieux, mais aussi prudents.

Prenons, par exemple, cette réflexion d’un membre porte-parole d’organisations humanitaires: " Faire envoyer des colis de vivres par des avions militaires provoque l’amalgame entre civils et soldats ". Les Talibans ont immédiatement, et certainement avec succès trouvé la parade en disant que ces vivres sont empoisonnés, et ils sont sincères, quoique le pensant sur le plan spirituel et donc réussissent.

Un groupe de l’AFSCET s’appelle: " Stratégies Paradoxales ". Comme pour une épidémie d’Encéphalopathie Spongiforme Bovine, nous pouvons établir un schéma du système global dont un ou plusieurs dysfonctionnements provoquent l’événement du 11/09. Serons nous pour cela mieux armés pour proposer ex-ante et non plus ex-post, une stratégie pour éviter le retour de telles tragédies?

Le premier point de stratégie paradoxale que je proposerais serait d’assumer pleinement un prosélytisme judéo-chrétien et gréco-romain qui fait si peur à l’islam.

Que ce soit par des civils en camions ou des militaires en avion, ceux qui envoient vivres et bombes sont les mêmes. Il faut assumer.

Il faudra aussi assumer que nous sommes les gardiens de nos frères. Avant de tuer pour avoir été offensés, nous devons nous demander si nous n’avons pas provoqué le désespoir par notre provoquante et indifférente arrogance.

Je crois être assez bien placé pour en parler, puisque je me suis élevé contre la tendance qui, lors du colloque d’Andé sur la violence, incitait à toujours considérer la violence comme une réaction à une agression exogène. Par ailleurs, comme beaucoup d’européens, je critique depuis longtemps le style américain. Faire, comme l’on dit " la part des choses " est l’attitude la plus difficile en ce bas-monde. Enfin, je suis moi-même pétri de ces défauts!

Le second point est que nous devons agir sur des fronts spatio-temporels multidimensionnels multiples. Quelles que puissent être nos divergences avec les dirigeants américains, il faut leur donner acte que, face à l’indigence en capacité de recul de leurs concitoyens, ils répètent que la lutte sera longue.

Nous devons faire compliqué alors que d’autres peuvent faire simple.

L’humain moyen, américain, afghan, européen ou autre, face à une agression trouve que trois heures est un temps de réponse adapté à ses capacités cognitives. Il suffit de penser à ce qui s’est dit et écrit à propos des détours de Air-Force One entre la Floride et Washington! Trois jours c’est long, trois semaines interminable.

Trois mois, c’est difficile, trois ans un tour de force, trente ans inimaginable. Trois cent ou treize cent ans, n’y pensons même pas. Nous, si ! Nous ne parlerons pas de ceux impliqués dans des projets à moins de trente ans. Ceux qui en parlent font trop d’honneur à leurs adversaires, qu’il vaut mieux surveiller du coin de l’œil comme une soupe au lait, mais laisser mitonner dans leur jus. Les gouvernants occidentaux, et beaucoup d’autres, sinon tous, tendent à penser d’abord à ceux qui leur ressemblent le plus, d’autres gouvernants. C’est humain. Nous penserons donc paradoxalement que c’est une idéologie qui vient de faire la preuve de son inefficacité qui nous donne les clés de l’avenir. Une idéologie qui dit que les dirigeants ne sont rien, les paysans et ouvriers, tout.

Et il s’agit d’inciter chacun chez nous à retrouver la patience paysanne, celle qui édifie des murets de pierres sèches, certes en vue de manger la saison prochaine malgré le ravinement, mais aussi pour les générations à venir. Si l’article demandé doit être court, afin que de nombreux points de vue puissent d’exprimer et être parcourus rapidement, seule une profonde modification de la gestion actuelle du site AFSCET permettra d’ajouter au présent texte les annexes qui en donneront la profondeur. Avec seulement des articles courts, Res-systemica sera un forum, rien de plus.

Chez nous, treize jours, c’est à chaud, et c’est dans ce délai que j’ai proposé une réflexion sur l’œuvre de Lyautey. Par ailleurs j’insiste depuis longtemps sur la nécessité de s’aboucher avec un fabricant de logiciels de loisirs pour fabriquer un jeu où l’approche systémique soit valorisée.

J’ai un jour dit, sans réaction de l’intéressé, que si notre économie n’a pas encore lancé un plan de reboisement par irrigation du Sahara, comme du Pakistan et ses voisins bien sûr, c’est que c’est que nous n’avions pas besoin de la biomasse ainsi produite. Hélas, par la faute de quelque prophète, la biomasse en question comporte une partie qui existe et crie famine, cris qui perturbent notre économie.

Si l’expérience des uns n’a jamais servi aux autres, à nous de montrer que chacun doit et peut tirer parti de sa propre expérience si il réussit à faire siens ceux qu’il voit d’abord comme autres. À commencer par leurs pères. C’est très difficiles pour les citoyens ordinaires qui souvent ne sortent jamais de la révolte adolescente. Après la Seconde Guerre Mondiale, afin de ne pas renouveler les conditions qui ont favorisé le nazisme, le Plan Marshall a agi. Comme quoi c’est possible. Mais l’homme ne vit pas que de pain. Il lui faut aussi des jeux.

Pas seulement ceux du cirque, mais aussi ceux de la religion et de la politique. Or, si nous parvenions à montrer que la quête du savoir, première cause de la chute de l’homme à en croire les religions, pas seulement judéo-chrétiennes, est aussi la condition de sa rédemption, nous aurions fait un grand progrès. Ce dont les Talibans et leurs semblables, y compris les nazis, les bolcheviques et tous les totalitaristes ne se rendent pas compte, c’est que, du jour où ils vaincraient en apparence leurs adversaires, comme les Romains l’ont fait des Grecs, ils auraient à prendre en charge les aspirations de l’humanité, aussi différentes qu’elles puissent êtres de ce qui apparaît dans leurs schémas simplistes.

Comme je le dis souvent, prenons la mesure de longueurs. Quand bien même une coudée coranique servirait d’étalon, aucune foi au monde ne peut contraindre tel acheteur à considérer la réplique dont se sert le marchant de tissus comme fidèle si il n’a pas la conviction qu’il peut, quand bien même aller comparer la réplique et l’original serait impossible, vérifier la bonne foi du marchand. Or ce qu’a proposé la civilisation dite occidentale, c’est de construire, non en réalité tel ou tel étalon de mesure, mais en vérité une procédure irréfutable comme quoi chacun peut (autrefois au prix de longs voyages, maintenant avec des appareils très compliqués et coûteux, demain très facilement, à bon marché et chez soi), établir une mesure que le marchand de tissus pour la longueur, le marchand d’encens pour la masse, etc, ne pourra contester.

En fait, les prophètes totalitaristes sont d’un optimisme à première vue désarmant.

Ils disent que, puisque le marchand de tissus sera un jour acheteur d’encens, et qu’il le sait, il a tout intérêt à être honnête, puisque si il ne l’est pas, quand bien même il n’y aurait dans le paradis promis par l’eschatologie personne pour couper les mains des voleurs, celui avec qui il triche pourra quelque jour lui rendre la monnaie de sa fausse pièce en billets de singe.

Les chantres du capitalisme sont-t-ils si loin de ce raisonnement aussi optimiste que naïf ?

C’est pourquoi un jeu qui tendrait à chercher des étalons concernant les relations humaines et non plus physiques, si il ne produisait ses fruits que dans des générations en ce qui concerne les comportements (pour le retour sur investissement de l’éditeur, cela peut-être de l’ordre de trois mois ou, au pire, trois ans), serait néanmoins un bon investissement pour des gens comme nous.

Donnez moi un levier, et je soulèverai le monde. Ce levier, si nous voulons actualiser l’aphorisme de Margaret Mead, je vous propose de le construire.

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Alexander N. Christakis, Ph.D.

President-Elect, 2002-2003
International Society for the Systems Sciences
www.ISSS.org

CEO, CWA Ltd. Ó 2001
www.CWALtd.com














I think the progress towards the definition and resolution of the global problematique will be made only when we collectively engage human beings in a meaningful and truly participatory dialogue across civilizations. People talk about "dialogue" all the time. In my opinion, in the majority of cases the stakeholders are not engaged in an authentic manner.

In the Dialogue practiced by a small community of practitioners who are students of the discipline of Interactive management, we guarantee that the following six principles are enforced. These are:

1) Variety of perspectives (Ashby);
2) Disciplined inquiry to avoid the cognitive overload of participating observers (Miller);
3) Relative saliency by comparing observations within a set (Boulding);
4) Discovery of meaning through relational judgments among observations (Pierce);
5) Autonomy in drawing distinctions (Tsivacou);
6) Evolutionary learning (Dye).

When the above six principles are invoked and enforced within the context of a properly designed Dialogue Architecture, the observers are empowered to construct "high quality observations." The construction of observations adhere to Third Phase science as conceptualized by Professor de Zeeuw.

We have many experiences of progress made in resolving complex societal and inter-organizational issues when meaningful dialogue was practiced (see www.CWALtd.com).
 

EXPLORING SIX PRINCIPLES OF DIALOGUE FOR MANAGING COMPLEX SOCIETAL ISSUES
(TO BE RANKED IN TERMS OF IMPORTANCE AND INFLUENCE)


    1. APPRECIATION OF THE DIVERSITY OF THE PERSPECTIVES OF OBSERVERS IS ESSENTIAL IN MANAGING COMPLEX SITUATIONS. (Ashby's Law of Requisite Variety).
    Importance Ranking: 1 2 3 4 5 6. Influence Ranking: 1 2 3 4 5 6
    2. DISCIPLINED DIALOGUE IS REQUIRED TO AVOID THE COGNITIVE OVERLOAD OF OBSERVERS.
    (Miller's Law of Requisite Parsimony).
    Importance Ranking: 1 2 3 4 5 6. Influence Ranking: 1 2 3 4 5 6
    3. THE RELATIVE IMPORTANCE OF OBSERVATIONS CAN ONLY BE DETERMINED THROUGH COMPARISONS WITHIN A SET.
    (Boulding's Law of Requisite Saliency).
    Importance Ranking: 1 2 3 4 5 6. Influence Ranking: 1 2 3 4 5 6
    4. MEANING AND WISDOM ARE PRODUCED IN A DIALOGUE ONLY WHEN THE OBSERVERS SEARCH FOR RELATIONSHIPS OF SIMILARITY, PRIORITY, INFLUENCE, etc. WITHIN A SET OF OBSERVATIONS.
    (Peirce's Law of Requisite Meaning).
                                                                                                            Importance Ranking: 1 2 3 4 5 6. Influence Ranking: 1 2 3 4 5 6
    5. DURING DIALOGUE IT IS NECESSARY TO PROTECT THE AUTONOMY AND AUTHENTICITY OF EACH OBSERVER IN DRAWING DISTINCTIONS.
    (Tsivacou's Law of Requisite Autonomy in Distinction-Making).

                                                                                                            Importance Ranking: 1 2 3 4 5 6. Influence Ranking: 1 2 3 4 5 6

          6. EVOLUTIONARY LEARNING OCCURS IN A DIALOGUE AS THE OBSERVERS SEARCH FOR RELATIONSHIPS AMONG THE
          MEMBERS OF A SET OF OBSERVATIONS.
          (Dye's Law of Requisite Evolution of Observations)

            Importance Ranking: 1 2 3 4 5 6. Influence Ranking: 1 2 3 4 5 6

To methodically determine the influence ranking among the six dialogue principles a group of observers would have to answer 30 pair-wise questions such as the one shown below:

"Supposing that in conducting dialogue we were able to implement:
(PRINCIPLE #1)
Will this SIGNIFICANTLY enhance our capacity to implement:
(PRINCIPLE #2)
In the context of conducting a session to manage a complex societal issue?"

Where PRINCIPLE #1 stands for Requisite Variety and PRINCIPLE #2 stands for Requisite Parsimony. As a result of this pair-wise exploration a tree-like pattern will emerge displaying graphically how the influence of the principle(s) at the roots of the tree propagate upwards and help implement the other principles along the trunk of the tree.

A tree-like pattern produced by engaging a small group with expertise in the process of dialogue is shown as Figure 1 below, called the "Tree of Meaning." With the support of a computer program the group only answered 15 questions instead of thirty. This represents an efficiency gain of a factor of 2 for such a small number of observations.

The interpretation of the Tree implies that if we want to produce meaning and wisdom through dialogue, namely Principle #4 at the top, we must ensure that all the principles appearing at the roots of the Tree are enforced during the conduct of the dialogue. It tells us that the most influential principle is PRINCIPLE #2, followed by PRINCIPLE #5, and so on. Principle #4 is the least influential, although I am sure we all agree it is the most important in the conduct of dialogue.

Figure 1:

A TREE OF MEAMNING

4) Meaning and Wisdom
Î
3) Understanding Relative Saliency
Î
1) Appreciation of Diversity
Î
6) Evolutionary Learning of Observations
Î
5) Autonomy in Distinction Making
Î
2)  Disciplined Dialogue










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Gérard Donnadieu
Sociologue, Théologien laïc
<gerard.donnadieu@wanadoo.fr>

L' ISLAM  ET  LA  VIOLENCE

La tragédie qui s'est déroulée le 11 septembre dernier à New York et à Washington a mis en pleine lumière une forme de terrorisme, liée au fanatisme religieux, sur laquelle beaucoup d'observateurs et d'intellectuels français avaient jusqu'à présent refusé de s'interroger. Ils  réduisaient en effet cette violence aux classiques explications ethniques, nationalistes ou (pire encore) économiques, n'y voyant qu'une lutte entre pays riches et pays pauvres, exploiteurs et exploités, monde développé et tiers-monde. De telles explications ne sont sans doute pas entièrement fausses; mais ce que je voudrais montrer ici est qu'elles sont radicalement insuffisantes.
Il importe d'abord de ne pas diaboliser l'islam et de bien distinguer entre:
§ l'islam comme religion, dont les pratiquants sont les musulmans, lesquels dans leur immense majorité sont des gens pacifiques qui ne demandent qu'à vivre en paix.
§ l'islamisme qui est la forme fondamentaliste ou intégriste de l'islam dont il conviendra de mettre en évidence à la fois la continuité et la rupture avec l'islam-religion.
§ le terrorisme islamiste qui est la forme exacerbée que prend l'islamisme sur le plan politique, aussi bien à l'intérieur des pays musulmans ( Algérie par exemple) que vis à vis de l'Occident.
Dans ces conditions, identifier terrorisme islamiste et islam est non seulement faux et injuste; c'est aussi contre-productif pour tout esprit cultivé qui veut prendre l'exacte mesure du phénomène. Ce point étant acquis, et il ne faudra jamais l'oublier tant est dangereux le risque d'amalgame, il n'est pas interdit de chercher à comprendre. C'est même un devoir pour l'intelligence d'analyser lucidement et sans angélisme ce qui, dans le corpus religieux de l'islam, peut se prêter à de telles dérives.
 Une remarque préliminaire s'impose. Aucune religion ne se trouve à l'abri des dérives fondamentalistes. Ainsi doit-on constater que toutes les grandes traditions religieuses de l'humanité ont aujourd'hui leurs courants sectaires ou radicaux. L’Eglise catholique a ses intégristes, schismatiques (héritiers de Mgr Lefebvre) ou traditionalistes « silencieux » ; les protestants ont leurs fondamentalistes qui font de la Bible une lecture littérale et veulent interdire dans les écoles américaines l’enseignement de l’évolution; le judaïsme est parcouru par des courants ultra-orthodoxes dont les partis religieux en Israël fournissent une terrifiante illustration ; le BJP (parti du peuple de Bharat) en Inde prêche un hindouisme de combat, ethnocentrique et persécuteur des autres religions. Il n’est pas jusqu’au bouddhisme, réputé tolérant, qui ne produise au Sri Lanka des moines guerriers et au Japon une secte, la Sokagakkaï, particulièrement nationaliste et prosélyte. Mais c’est sans doute avec l’islam que ce raidissement identitaire est le plus spectaculaire ( j'y reviendrai).
De même, aucune religion au cours de son histoire ne s'est trouvée à l'abri des tentations de violence. Pour ce qui est du christianisme, il suffit de rappeler les croisades, l'inquisition et les guerres de religion ( les grandes exterminations du 20ème siècle, bien que commises par des occidentaux, ne peuvent être imputées au christianisme car elles furent mises en œuvre au nom d'idéologies – le nazisme et le communisme – qui s'affichaient explicitement athées). Mais ici également, il semble bien pour qui connaît un peu l'histoire des sociétés islamiques, que le recours à la violence religieusement légitimée ait accompagné plus qu'ailleurs les péripéties de la vie collective. Il suffit d'ailleurs d'observer que la référence à l'islam ( sous sa version radicale il est vrai) est présente dans la presque totalité des conflits guerriers qui se déroulent aujourd'hui sur la planète. Et pour en revenir au terrorisme, il n'est pas inutile de rappeler le précédent de la célèbre secte des haschischins (d'où est issu notre substantif assassin) fondée par l'émir Hasan Ibn al-Sabbah au 12ème siècle, lequel envoyait ses jeunes kamikaze assassiner les princes chrétiens de Palestine et les alliés arabes de ceux-ci (on ne peut s'empêcher de songer au meurtre du commandant Massoud!).
Comment concevoir alors une telle enquête? D'évidence, il ne peut être question de juger de l'islam au nom du christianisme…ou de toute autre tradition religieuse. La seule voie possible est de prendre un tiers arbitre, choisi dans le champ des sciences humaines et qui pour cette raison ne pourra être suspecté à priori de partialité, même s'il peut, comme il est normal, être scientifiquement discuté. J'appliquerai la grille d'analyse fournie par ce tiers arbitre au fondamentalisme islamique sans vouloir ni en accuser, ni en masquer le lien avec la tradition musulmane. Enfin, je m'essaierai dans une troisième partie à une tentative de théologie comparative des religions autour du thème de la violence.

1 - Une grille d'analyse: l'anthropologie de René Girard

 René Girard est ce penseur français, originellement spécialiste de littérature grecque classique, que ces travaux sur la mythologie antique ont conduit à devenir anthropologue. Dans l'impossibilité de poursuivre cette ré-orientation en France, il s'expatrie aux Etats Unis où il a enseigné plus de trente ans dans les prestigieuses universités John Hopkins de Baltimore puis de Stamford sur la côte ouest. C'est là où ses idées, tournant autour des rapports entre le désir humain, la violence, la religion, le sacré, ont pris progressivement corps. Il est l'auteur d'une théorie, dite du désir mimétique, largement utilisée en psycho-sociologie. Dans un de ses premiers ouvrages ( La violence et le sacré) publié en 1972, il propose également l'amorce d'une théorie, qui se veut englobante, du phénomène religieux. Mais ce n'est que dans ses ouvrages ultérieurs, en particulier Des choses cachées depuis la fondation du monde ( publié en 1978) dont je ferai d'abondantes citations et Le bouc émissaire ( publié en 1983) qu'il achève sa réflexion. Il y revient sur les détails du mécanisme victimaire dont il montre la présence dans toutes les sociétés. Désormais son anthropologie possède une solide architecture permettant de penser avec rigueur le phénomène de la violence dans son rapport à la religion. C'est pourquoi j'utiliserai sa grille d'analyse en commençant d'abord par la présenter.

1 – 1 )  La théorie du désir mimétique
 La thèse toute entière repose sur l’importance donnée à la mimésis, c’est-à-dire à l’imitation, dans le développement humain. Cette imitation se rencontre déjà dans le comportement des animaux supérieurs, mais avec l’homme, elle prend une dimension nouvelle et tout à fait considérable, en particulier à partir de l’avènement du langage et de la pensée symbolique qui va la rendre dépendante de la culture portée par le groupe humain. René Girard écrit : “La théorie mimétique, seule susceptible de fonctionner à la fois au niveau animal et au niveau humain, est seule susceptible, par conséquent, d’éliminer toute rupture métaphysique entre les deux règnes et aussi toute confusion illégitime, puisque le mimétisme va fonctionner dans chacun de ces règnes à un régime très différent”.
 Comment se met alors en place le désir humain et quelles sont ses manifestations habituelles dans la vie sociale ?
 a) La construction du désir : Parce que de nature culturelle, le désir est une construction collective; il concerne une personne toujours située dans un champ social et historique particulier. Sans être singulier à l'individu (comme le croît la psychanalyse), le désir n'a pas non plus un caractère universel.
 Ce caractère contingent du désir apparaît  dès les premiers instants de la vie humaine. Le petit enfant cherche à imiter ses parents, puis son maître, lesquels le gratifient ( tendresse, encouragements, bons points,…) lorsque l’imitation est réussie. Ainsi se met en place, au niveau des premiers "câblages" du cerveau, une boucle de renforcement qui va jouer en faveur d’une imitation de plus en plus parfaite.
 Au cours de ce processus, le maître-modèle désigne à l'élève-imitateur ce qu'il convient de désirer, l'objet du désir, et le gratifie lorsque cet objet est obtenu. Mais au fur et à mesure que l'élève devient autonome, la possession de l'objet devient gratifiante en soi…et se substitue peu à peu à la gratification directe du maître. A maturité, le maître-modèle s'exclut du circuit et l'élève désire posséder l'objet pour lui-même. Il peut devenir à son tour modèle pour d'autres imitateurs.
Cependant, cette genèse relationnelle du désir humain fait que l’autre (le modèle) peut rarement être oublié dans le processus. L’autre demeure toujours celui qui nous a désigné l'objet du  désir et c’est sous son regard -au moins moral- que nous possédons l’objet. C'est en effet une des caractéristiques de l'être humain que son désir, à la différence de l'animal, ne puisse être que très faiblement désigné par l'instinct. Sa désignation est "culturelle": nous désirons ce que notre milieu social nous a appris à désirer.
A ce stade, deux évolutions sont possibles qui conduisent à des effets diamétralement opposés.
b) Le mimétisme de coopération ou la “bonne réciprocité”: C’est le processus que l’on rencontre -au moins partiellement- dans toutes les formes d’association humaine qui conduisent à la création de surplus. Non seulement l’objet du désir est partageable entre les différents partenaires mimétiques, mais il ne peut être atteint que par leur association (on parle de jeu à somme positive). Chacun se désigne mutuellement l'objet du désir et l’acquisition commune gratifie chaque participant.
Ce comportement est habituellement l’occasion, pour un groupe social, de mettre en œuvre des conduites de coopération, d’adaptation, d’invention. Mais tout dépend aussi du type d'objet qui est désigné au désir des membres du groupe. Il faut distinguer en effet entre les objets qui sont:
- divisés par le partage : l’avoir, le pouvoir, l’argent, le sexe,... Leur nature de “ressource rare” met assez vite une limite à la coopération,
- multipliés par le partage : la connaissance, l’art, la fête,... De ce fait, ces objets se prêtent   particulièrement bien au processus de la bonne réciprocité et ont une vraie capacité à l'entretenir.
On notera que ces derniers biens sont tous de nature symbolique ; ils présupposent l’accès à la culture. Ils ouvrent sur une logique d’alliance entre les hommes (et secondairement avec la nature et avec les dieux), logique d’alliance particulièrement propice à l’éclosion des civilisations et à leur développement.
Ce processus bénéfique de la bonne réciprocité a très certainement joué à l’origine des sociétés humaines. Malheureusement, il n’a pas été le seul.
c)  Le mimétisme d’appropriation ou la “réciprocité mauvaise”: Il est la parfaite illustration du “runaway” ou emballement qui ne peut se résoudre que par la montée aux extrêmes et par la crise paroxysmique. Le processus peut être décrit en deux temps :
1er temps : l’enclenchement de la “lutte des doubles”
L’autre, qui est mon modèle en me désignant l’objet du désir, s’avère également être le principal obstacle s’opposant à ma satisfaction. L’objet en effet lui appartient et il est de plus difficilement partageable (ressource rare, enjeu de pouvoir, gloire,...). Plus l’autre s’oppose alors à mon désir, plus ma frustration grandit ; l’objet en prend une valeur d’autant plus grande et me devient indispensable. C’est en cela que réside la rivalité mimétique. René Girard écrit:"Toute valeur d'objet croît en proportion de la résistance que rencontre son acquisition. Et c'est aussi la valeur du modèle qui grandit. L'un ne va pas sans l'autre".

2ème temps : l’emballement mimétique
 Dans cette escalade de l’imitation appropriative, l’objet du désir finit par paraître secondaire et est même totalement oublié (cet effet est facilité par le caractère non instinctuel du désir humain, comme nous l’avons vu). Ne reste plus alors en présence que les deux protagonistes engagés dans une lutte mimétique sans merci. A ce stade, l’issue ne se trouve plus que dans la montée aux extrêmes qui est généralement l'escalade de la violence.
Lorsqu'un groupe humain, voire une société toute entière, est embarqué dans cet engrenage terrifiant, la conséquence peut en être l’éclatement du groupe et sa disparition. A l’aube de l’humanité, on peut supposer que ce phénomène a dû se produire plusieurs fois avant que ne soit trouvé un moyen pour contrôler la violence mimétique.

1 – 2 ) La régulation religieuse de la violence
 Selon René Girard, la religion est le moyen inventé par les hommes pour s’extraire de cette violence et réguler le désir humain. Lorsque la “réciprocité mauvaise” se trouve installée au sein d’une société, il est dans sa logique d’aller jusqu’au bout de l’emballement mimétique. Pour éviter cette issue fatale, le groupe va alors au paroxysme de la crise déverser sa violence sur un bouc émissaire, censé représenter le rival/obstacle cause de tous les malheurs. Cette communion du groupe dans le meurtre de la victime émissaire le réconcilie provisoirement avec lui-même. Du coup, la victime exécrée devient ce par quoi s’est effectuée la réconciliation du groupe ; elle peut même passer à l’état de victime vénérée et transfigurée. Et le groupe, par la réitération rituelle de l'événement (au moyen notamment de sacrifices humains puis d'animaux), essaiera en permanence de faire perdurer cette réconciliation. René Girard écrit : “Si les groupes humains peuvent tomber malades en tant que groupes pour des raisons qui tiennent à des causes objectives ou qui ne tiennent qu’à eux-mêmes, si les rapports au sein des groupes peuvent se détruire puis se rétablir à la faveur de victimes unanimement exécrées, il est évident que les groupes vont se remémorer ces maladies sociales conformément à la croyance illusoire qui en facilite la guérison, la croyance en la toute-puissance des boucs émissaires. A l’exécration unanime, de celui qui rend malade, par conséquent, doit se superposer la vénération unanime pour le guérisseur de cette même maladie”.
Ce mécanisme sacrificiel constitue pour Girard l’origine même du religieux. Et l’expérience du sacré n’est rien d’autre que le sentiment soudain, mystérieux et extraordinaire, de réconciliation communautaire entraînée par l’immolation de la victime émissaire. On va alors, par le moyen des mythes et des rites, entretenir le souvenir de cette réconciliation afin d'en prolonger les effets bénéfiques. La religion apparaît ainsi comme la réponse du groupe social pour contrôler sa propre violence interne et éviter le renouvellement de la crise qui a failli entraîner sa perte.
La thèse de René Girard peut sans doute être contestée, elle semble ne donner qu'une seule origine à la religion, s'efforçant de ramener celle-ci à l'unique fonction du  contrôle de la violence fondatrice. Mais même limitée et partielle, la thèse à l'immense mérite de mettre l'accent sur un aspect essentiel du phénomène religieux, trop souvent occulté par l'anthropologie. C’est pourquoi je retiendrai de la pensée de Girard que la religion a bien à voir, et de manière éminente, avec  le contrôle du désir mimétique et de la violence. Un contrôle à double faces qui vise à la fois :
     -à instaurer et à entretenir la spirale vertueuse de la bonne réciprocité,
     -à désamorcer et à réduire la spirale perverse de la réciprocité mauvaise.
Dans cette conception, la religion apparaît nettement comme le facteur principal de la cohésion du groupe et de la formation du lien social, toutes choses que voici plus d'un siècle, Emile Durkheim, le fondateur français de la sociologie, avait parfaitement perçues.
2 – Ce que nous donne à comprendre l'islam fondamentaliste

 Si l'on prend au sérieux la théorie de René Girard, il devient légitime, dans l'étude d'une religion, de se demander quel "obscur objet" elle désigne comme désirable et salutaire aux membres de sa communauté, puis quels moyens elle met en œuvre pour en assurer la régulation. Bien entendu la réponse n'est jamais simple, et s'agissant de l'islam, il est clair que l'on n'aura pas exactement la même réponse selon que l'on s'adresse à un mystique soufi, à un musulman africain imprégné d'animisme, à un iranien chiite ou à un fondamentaliste sunnite.
 L'intérêt de la réponse fondamentaliste est qu'elle nous propose une version extraordinairement ferme et cohérente de l'islam dont elle prétend être dans le droit fil de la tradition. De plus, cette version a été clairement formulée par les penseurs fondamentalistes eux-mêmes. Il suffit donc de les lire pour savoir de quoi il s'agit. Parmi eux, deux sont particulièrement importants:
- l'égyptien Hasan al-Banna (1906-1949), fondateur des Frères musulmans dont on sait l'activité missionnaire dans l'ensemble du monde islamique, en particulier en Algérie où ils formèrent les principaux militants du FIS et des GIA.
- le pakistanais Abul Maulana Maudoudi ( 1903-1979), fondateur de la Jamat-i-islami, mouvement islamiste radical, à la fois religieux et politique, fortement implanté au Pakistan et d'où devait sortir plus tard les talibans d'Afghanistan.
C'est ce second penseur que je vais prendre comme objet d'étude.

2 – 1 ) Portrait d'un intellectuel islamiste
 Né en Inde dans une famille de la bonne bourgeoisie musulmane, Maulana Maudoudi est un brillant journaliste, formé par l'université britannique et en apparence tout à fait occidentalisé. Bien que n'ayant pas suivi le cursus classique des écoles coraniques, il n'en a pas moins acquis une solide culture islamique de facture traditionnelle. Dès sa jeunesse, il souffre de la passivité des musulmans devant les pressions en faveur d'un retour à l'hindouisme dont font l'objet, de la part des hindouistes, les paysans convertis à l'islam.
 Aussi, dans les années 1930, il va se donner le rôle messianique de restaurateur de la pensée islamique, afin de forger des réponses aux problèmes sociaux et politiques que connaissent les musulmans. Personnalité charismatique, il va rapidement devenir célèbre parmi les jeunes musulmans qui étudient dans les écoles et universités occidentales. Il écrit, en anglais et en ourdou, de très nombreux articles et quelques ouvrages traduits depuis dans la plupart des grandes langues véhiculaires (arabe, français, espagnol, chinois, etc.).
Son combat le conduit à s'opposer à l'enseignement, qu'il juge conservateur, des ulémas (théologiens de l'islam) de la célèbre Faculté coranique de Deoband, lesquels prônent un islam ritualiste et quiétiste. A leur encontre, il estime que le djihad (conçu comme véritable guerre sainte et pas seulement comme effort spirituel) est essentiel à la défense de l'islam et à son expansion. Pour lui, seule une réaffirmation du combat sacré, allant jusqu'à la violence des armes, peut garantir une riposte appropriée. Il n'est jamais allé, cependant, jusqu'à couvrir les formes extrêmes de violence comme le terrorisme ou la prise d’otage.
En 1941, Maulana Maudoudi fonde la Jamat-i-islami, mouvement fondamentaliste qui place l'action politique et militaire au premier rang de ses objectifs. L'objectif est la création d'un Etat islamique soumettant l'ensemble de la société aux obligations de la chari’ah (loi islamique). En 1947, au moment de la guerre civile et de la partition de l'Inde, Maudoudi pèse de toutes ses forces en faveur de la création d'une nation musulmane "religieusement pure": le Pakistan. Dans ce Pakistan tant rêvé, où il va s'installer et qui va pourtant l'emprisonner plusieurs années, il ne verra pas la réalisation de ses espérances: l'avènement d'une société tout entière soumise à la loi de l'islam. En revanche son mouvement, la Jamat-i islami, sera de tous les combats guerriers menés contre l'Inde (au Cachemire), l'URSS (en Afghanistan), les pays arabes jugés corrompus et plus largement l'ensemble de l'Occident. Grâce à sa bonne implantation dans la communauté pakistanaise de Grande Bretagne, la Jamat-i-islami semble avoir joué un rôle important dans le déclenchement de l'affaire Rushdi. Par ses écoles coraniques installées au Pakistan, elle a également contribué à la formation ( pas uniquement religieuse!) des talibans d'Afghanistan.
 Maulana Maudoudi peut ainsi être considéré comme l’un des principaux architectes de la version radicale et fondamentaliste de l'islam, telle qu’elle s’exprime aujourd’hui dans l’islamisme et dans un certain nombre de pays musulmans ayant instauré la chari'ah. Le portrait que je viens d'en donner montre que l'on n'a pas à faire à un esprit inculte, mais à un véritable intellectuel qui connaît bien non seulement les principes de sa religion, mais aussi le monde occidental. Ses commentaires du Coran et de la Suna s’avèrent d'ailleurs parfaitement traditionnels, en pleine continuité des interprétations des 10ème et 11ème siècles et exempts de ce fait de toute contamination par la pensée moderne (c’est bien là le problème !).
Pour présenter la pensée de Maudoudi, je ferai largement référence à l'un de ses livres parmi les plus connus, "Comprendre l'islam", qu'il écrivit en ourdou en 1932 et qui se veut une introduction à l'islam destinée aux étudiants et au grand public. Ce livre relativement court (172 pages) est édité et imprimé en Angleterre (et en français!) sous l'égide d'une  "Fondation islamique" apparemment mondiale. On ne le trouve pas dans les librairies ordinaires et il faut se le procurer dans les librairies islamiques ou les centres culturels musulmans. Il circulerait parmi les jeunes des banlieues issus de familles musulmanes et au voisinage des mosquées qui s'inscrivent dans la mouvance fondamentaliste.

2 – 2 ) L'islam : une religion d'obéissance absolue
 Un premier point frappe le lecteur non prévenu lorsqu’il prend connaissance de l’ouvrage de Maudoudi : la fréquence avec laquelle reviennent tout au long des pages, les mots obéissance et soumission. Plus de 120 fois, soit près d’une fois par page ! Certes, on objectera que ces mots ne sont rien d’autre que la traduction en français du mot arabe islam. Il n’empêche que leur emploi systématique dans de nombreuses phrases développant les thèmes les plus divers souligne une priorité absolue qui ne saurait s’accommoder de la moindre exception.

Cette obéissance est d’abord due à Dieu : “C’est l’obéissance à Dieu qui constitue l’islam” (page 92) ou encore “Il est juste que l’homme vive une vie d’obéissance à Dieu”. Mais par voie de conséquence, elle s’étend à l’ensemble des prescriptions du Coran et de la loi islamique (Chari’ah) “code définitif destiné à l’humanité toute entière pour toutes les époques à venir” (pages 142/143). Et elle concerne aussi les enseignements de Muhammad : “Pour être musulman, il faut appliquer intégralement les instructions laissées par Muhammad” (page 130) et même de tout prophète dont on doit suivre les commandements même si on ne les comprend pas : “Désobéir à un prophète, c’est désobéir à Dieu, et ceci n’amène que ruine et désolation” (page 51).
Cette insistance sur les diverses formes d’obéissance va se traduire chez Maudoudi par une multitude de termes dont les occurrences sont élevées. Ainsi, s’agissant de caractériser Dieu : Autorité, Pouvoir, Puissance. Et pour dire la manière dont cette Autorité divine va se manifester auprès des hommes : Volonté, Loi, Code, Décrets, Directives, Injonctions, Préceptes, Commandements, Règles, Interdictions, Devoirs, ... Bref, le Dieu de l’islam semble faire peser sur l’homme une contrainte de tous les instants.
Cette contrainte n’est pas que virtuelle car l’homme est observé en permanence par Dieu et sera jugé à la fin de sa vie sur l’ensemble de ses actes. Il convient donc pour éviter de mécontenter Dieu et de susciter sa colère de suivre le “droit chemin”. Ce droit chemin est celui des commandements et il n’existe qu’un seul et unique chemin (sirât-i-multaqim) pour aller à Dieu. Les commandements nous disent ce qu’il convient de faire dans chaque situation de la vie. Le Coran et la Suna (ensemble de la tradition)  ont tout prévu et il suffit “d’obéir scrupuleusement. Ceci est la voie du salut”.
Ceci vaut bien entendu des grandes prescriptions de l’islam (les cinq piliers) telles que la profession de foi, la prière, l’aumône rituelle, le jeûne (ramadan) et le pèlerinage à la Mecque. S’agissant du jeûne, il doit être conçu comme un entraînement à l’obéissance : “A chaque instant pendant notre jeûne, nous réprimons nos passions et nos désirs, et nous proclamons par notre conduite la suprématie de la loi divine” (page 136). Enfin, chaque musulman doit être prêt à défendre l’islam, par la force si nécessaire, en se mettant au service de la Djihâd (guerre sainte) : “Si nous proclamons notre foi en l’islam, nous devons jalousement garder et maintenir le prestige de l’islam. Notre seul guide dans notre conduite doit être le service de l’islam au regard duquel toutes nos considérations personnelles doivent s’incliner. Le Djihâd est une partie de cette défense de l’islam!... Dans le langage de la Chari’ah, ce mot est utilisé plus particulièrement pour la guerre qui est déclarée uniquement au nom d’Allah contre les oppresseurs et les ennemis de l’islam. Ce suprême sacrifice de la vie incombe à tous les musulmans... Dans tous les cas, le Djihâd est un devoir primordial des musulmans concernés, au même titre que les prières quotidiennes ou que le jeûne”. (page 140)

On comprend alors que pour Maudoudi, toute liberté même légère prise par rapport aux commandements de la chari’ah soit considérée comme sacrilège. Ceci le conduit à porter un jugement sévère sur le courant mystique de l’islam (soufi) dont il perçoit surtout les dangers. “Aucun Sufi n’a le droit d’enfreindre les limites du Chari’ah ou de traiter à la légère les obligations primordiales... Quiconque s’écarte de ces commandements divins profère un mensonge quand il proclame qu’il aime Allah et son Prophète” (page 146). En écrivant cela, Maudoudi se montre d’ailleurs un musulman tout à fait orthodoxe lorsque l’on se rappelle le lourd passif qui existe depuis le 10ème siècle entre l’islam traditionnel et la mystique.

2 – 3 ) Pourquoi cette obéissance ou pour quel objet du désir ?
Le “soumis à Dieu” (c’est la traduction même du mot musulman) attend de son obéissance inconditionnelle à Dieu une récompense à la fois en ce monde et dans l’autre. L’homme en effet est jugé sur ses actes. “Vous serez appelés à rendre compte de toutes vos actions, bonnes et mauvaises, et vous ne pouvez rien cacher”. Ceci fait partie pour Maudoudi du cœur de l’islam : “croyance en l’unicité de Dieu, vie pieuse, vertueuse et paisible, croyance en une vie après la mort avec un juste système de récompense et de châtiment” (page 58).
Ce que recherche donc le musulman par sa parfaite soumission à Dieu, c’est cette récompense future dans le paradis d’Allah... mais aussi les récompenses immédiates que Dieu ne manquera pas de lui octroyer dès à présent dans sa vie terrestre s’il se montre fidèle “Cet homme réussira dans ce monde comme dans le monde à venir” (page 32). Or, ces récompenses immédiates ne sont rien d’autre que la réalisation des désirs humains les plus classiques ! On peut en juger à partir de l’énoncé que fait Maudoudi de ce que sera nécessairement la réussite humaine du bon musulman : “Il sera une bénédiction pour l’humanité... Un tel homme sera un pouvoir avec lequel il faut compter... Il sera l’homme le plus honoré et le plus respecté et personne ne pourra le surpasser” (page 35). “Il sera l’homme le plus puissant et le plus efficace... Il sera l’homme le plus riche... Il sera l’homme le plus vénéré, le plus aimé, le plus populaire... tout le monde l’honorera et lui fera confiance... telle est la vie d’un véritable musulman” (page 36).
Et cette vie de bonheur sur terre se prolongera dans la vie céleste, elle-même prolongement paradisiaque des voluptés de la terre. Le Coran est en effet très concret et très imagé dans la manière dont il décrit les délices célestes : jardins ombragés, fontaines cristallines, fruits savoureux, belles jeunes filles (houris) offertes au désir du guerrier, etc. Parlant du bon musulman, Maudoudi écrit : “Il a réussi dans une vie terrestre, et connaîtra dans la vie ultérieure, la paix, la joie, la félicité éternelle” (page 37).
Malheur en revanche à l’homme qui n’aura pas cru, au “Kafir”. L’islam développe à ce sujet une vision binaire : il y a ceux qui croient au Dieu unique et lui sont soumis... et puis les autres, athées, polythéistes, incroyants de tout poil qui doivent être sévèrement pourchassés. Tout juste concède-t-on une exception pour les “gens du livre” (juifs et chrétiens) à qui est proposé un statut de mineur (dhimmi) au sein de la société islamique. Par ses vertus, ses mérites propres, le musulman est en effet destiné à dominer la terre. Maudoudi n’hésite pas à écrire : “Si vous avez compris la véritable nature d’un musulman, vous serez convaincu qu’il ne peut vivre dans l’humiliation, l’asservissement ou la soumission. Il est destiné à devenir le maître, et aucune puissance terrestre ne peut le dominer ou le subjuguer” (page 36).

Dans cette conception conquérante de la diffusion au monde entier des “enseignements universels de l’islam et de son prophète Muhammad”, le kafir est l’adversaire par excellence, celui auquel il ne peut être fait aucune concession y compris sur les domaines les plus profanes et les plus anodins. Ceci vaut notamment des domaines politique, économique, social, domaines sur lesquels la pensée moderne pourrait venir mettre en cause les enseignements de la chari’ah : “Un musulman ne se laissera pas distancer par un kafir dans la recherche... mais leurs points de vue différeront largement” (page 34). A priori, toutes les sciences humaines dans leur ambition de mettre en oeuvre une recherche libre et critique peuvent être concernées par un tel interdit !

2 – 4 ) Un désir simplement transféré
Si l’on a bien compris ce qui précède, ce que recherche le musulman par une vie d’obéissance inconditionnelle aux préceptes divins n’est rien d’autre que la réussite terrestre dans un premier temps, réussite qui est le fruit quasi-automatique d’une vie vertueuse et dévote, le paradis d ‘Allah dans un second temps, paradis qui est lui-même la réalisation hypertrophiée des joies de la terre. On a donc bien affaire au désir humain dans ce qu’il a de plus classique, de plus universel, de plus banal. A la satisfaction de ce désir, l’islam fixe un certain nombre de règles et de préceptes dont le but est d’en permettre la réalisation différée (éventuellement dans l’au-delà) pour pouvoir conserver dans l’immédiat la cohésion sociale.
 C’est pourquoi on peut parler de transfert du désir, l’islam ne visant pas à changer substantiellement la nature de ce désir humain mais simplement à en différer la réalisation et à en contrôler les modalités. En cela, l’islam se montre proche des religions traditionnelles (qu’il conteste par ailleurs violemment) et qui ont aussi pour enjeu de réguler le désir humain tel qu’il est dans sa réalité naturelle.
Par rapport aux deux grandes formes identifiées par René Girard et sous lesquelles est susceptible de se manifester le désir, il nous faut alors examiner comment fonctionne l’islam.
a) L’islam et la dynamique de la bonne réciprocité : Il est clair que nombre de préceptes du Coran et de la chari’ah, préceptes moraux communs à la plupart des religions, contribuent à mettre l’homme dans une logique de modération, de justice, de paix avec ses semblables, toutes choses indispensables à l’entretien du mimétisme de coopération. De plus, ces préceptes n’ont bien souvent rien d’héroïque ; ils n’exigent ni exercices ascétiques, ni mortifications, ni désintéressements surhumains :“La loi de Dieu a été conçue pour votre bénéfice. Il n’y a rien en elle qui vous incite à gaspiller vos facultés ou à réprimer vos besoins, vos émotions ou vos désirs naturels. Elle ne plaide pas en faveur de l’ascétisme” (page 149). Loi au final relativement peu exigeante sur le plan personnel, mais en revanche très prégnante sur le plan collectif, la chari’ah pourra ainsi imprégner en profondeur l’ordre social et entretenir à peu de frais la spirale de la bonne réciprocité. “Le principe fondamental de la loi est que l’homme a le droit... de satisfaire tous ses besoins et désirs authentiques... mais il doit le faire de telle manière que non seulement les intérêts des autres ne soient pas lésés... mais encore avec toute la cohésion sociale possible, l’assistance mutuelle et la coopération avec ses semblables” (page 150).

Il faut noter aussi que dès son origine et durant plusieurs siècles, l’islam va se trouver en situation d’expansion et de conquête. Or une telle situation ouvre aux conquérants la possession de nouveaux biens désirables (en termes d’avoir, de pouvoir, de considération, de reconnaissance,...) dont l’acquisition n’est possible que par la coopération des conquérants. On est bien là sur une boucle de renforcement : la cohésion sociale des conquérants (bonne coopération) débouche sur la victoire, la victoire procure la domination et le butin, par ce surplus chacun peut être gratifié, la confiance des conquérants dans leur croyance s‘en trouve renforcée et leur cohésion également. Naturellement, un tel système ne trouve son équilibre que dans une dynamique d’expansion. Dès qu’elle s’arrête, la désagrégation menace et survient aussitôt le péril du mimétisme d’appropriation (ou réciprocité mauvaise).
b) L'islam et la dynamique de la réciprocité mauvaise : Il est permis de penser, avec René Girard, que la manière dont une religion affronte le problème de la violence mimétique est beaucoup plus caractéristique de sa nature profonde que la manière, le plus souvent très classique, dont elle résout le problème de l’entretien de la bonne réciprocité.
En ce domaine, l’islam s’efforce d’abord d’éviter l’enclenchement de la rivalité mimétique et très certainement ses préceptes moraux y contribuent : “La foi en la Kalima délivre l’esprit des passions subtiles de la jalousie, de l’envie et de la cupidité” (page 107). Mais que faire lorsque la lutte des doubles se trouve déjà enclenchée et comment en sortir ?
Au temps de Muhammad, et c’est Maudoudi lui-même qui le dit, le fait marquant de l’Arabie est “la division des Arabes en groupes innombrables, indépendants les uns des autres, turbulents et souvent en guerre les uns contre les autres ; et même s’ils sont unis par des liens de sang ou d’intérêt, toujours prêts pour une raison insignifiante à se séparer et à céder à une hostilité implacable” (page 75 et aussi 65). René Girard dirait que nous sommes là dans un état d’indifférenciation où la rivalité mimétique peut jouer à fond. La réciprocité mauvaise y est d’ailleurs largement installée et dominante.
Quel bouc émissaire désigne alors Muhammad pour refaire, au moyen du mécanisme sacrificiel, l’unité de la société ? La réponse est facile ; il s’agit de l’idolâtre, du polythéiste, de “l’associateur”, bref du kafir qui pullule alors à la Mecque et que l’on croise dans les temples aux multiples divinités. C’est contre ce polythéisme, ce kafir aux multiples visages que Muhammad va engager un combat sans merci, combat spirituel d’abord mais qui devient très vite politique et militaire après l’exil à Médine, puis la conquête de la Mecque et de toute l’Arabie. Combat sanglant aussi, car cette guerre fait de nombreuses victimes et donne lieu à des exterminations (tribus juives de Médine par exemple), en quoi le mécanisme sacrificiel montre bien son véritable visage.

Une fois l’islam solidement installé en Arabie, la conquête de l’Egypte, de la Syrie, de la Perse, du Maghreb, de l’Espagne, de l’Inde, de l’Empire byzantin,... multiplieront à l’infini les infidèles (chez les peuples conquis mais également à l’intérieur de la communauté musulmane) et permettront de faire jouer autant que de besoin le mécanisme de la réconciliation sacrificielle. Maudoudi semble avoir perçu, de manière tout à fait inconsciente il est vrai, la réalité profonde de ce processus lorsqu’il écrit : “Maintenant le monde n’a pas besoin de nouveau prophète, il a seulement besoin de gens qui aient une foi totale en Muhammad, qui deviennent les porte-étendards de son message, le propagent largement sur la terre et essaient d’instaurer la culture que Muhammad donne à l’homme. Le monde a besoin d’hommes de caractère qui puissent... établir une société régie par la loi divine, dont Muhammad est venu affirmer la suprématie”. (page 91).
Affronté au terrible problème du contrôle de sa propre violence, l’homme s’en débarrasse sur l’extérieur par la désignation d’un ennemi, d’un traître, d’un kafir. Il se refuse à se remettre en cause et à faire sur lui-même un difficile travail de conversion intérieure. En adoptant peu ou prou cette attitude, l’islam reste sur une réponse  d’ordre sacrificiel, avec la désignation puis l’expulsion d’une victime émissaire. C’est pourquoi on peut parler de réponse transférentielle donnée au problème de la régulation du désir.

3 – La réponse musulmane comparée aux réponses bouddhique et chrétienne

Pour juger de la pertinence et de l’intérêt de la réponse transférentielle de l’islam, rien de tel que de la comparer aux réponses produites par deux autres grandes traditions religieuses, le bouddhisme et le christianisme. Bien entendu, c’est toujours dans le cadre de la théorie du désir mimétique de René Girard que je procéderai à cette comparaison. Toutefois, comme il ne peut être question, dans le cadre limité de cette étude, de soumettre à une analyse détaillée les corpus bouddhique et chrétien, je me contenterai d’un rapide aperçu allant droit à l’essentiel. Je suis conscient qu’une telle démarche n’est pas exempte d’approximation ; elle constitue en la circonstance un premier pas justifié par le caractère limité de ce travail.

3 – 1 ) Le bouddhisme ou la voie de l’éradication du désir
Au problème de la violence mimétique, et plus largement de la souffrance et du malheur des hommes, le Bouddha qui a vécu dans l’Inde du nord-est au 5ème siècle avant Jésus Christ propose une solution radicale : la suppression pure et simple du désir grâce à une ascèse personnelle fondée sur la méditation et la vie monastique.
La révélation que reçoit le Bouddha lors de son expérience d’Eveil (Bouddha veut dire l’Eveillé) va être exprimée dans son enseignement, lors du premier sermon de Bénarès, sous la forme des quatre nobles vérités :
1) la vie est souffrance
2) la cause de cette souffrance est le désir
3) il existe un moyen de supprimer ce désir
4) ce moyen est le noble chemin octuple

Ainsi, l’éradication du désir apparaît-elle d’entrée de jeu comme le vrai moyen pour entretenir non seulement la bonne réciprocité mais surtout déraciner le mimétisme d’appropriation. La vie du Bouddha elle-même, notamment ses démêlés avec son méchant cousin Devadatta, montre comment le Bouddha se refuse absolument à entrer dans le processus de la rivalité mimétique, que ce soit en matière de pouvoir politique, de reconnaissance sociale, d’influence spirituelle, etc.
Par l’extinction de tout désir, l’homme peut espérer guérir sa souffrance qui est d’abord illusion du soi et immersion dans l’univers du samsara, c’est-à-dire le monde des apparences dans lequel nous vivons et que nous tenons pour réalité. Dans son livre "Comprendre le bouddhisme" Dennis Gira note à ce propos : “Quand on commence à essayer d’éteindre un par un tout désir égoïste qui puisse donner naissance à des actions mauvaises, on commence à renverser la force vive du karma”. Dans la réincarnation suivante de son cycle de vie (croyance que le bouddhisme a en commun avec l’hindouisme), on retrouvera donc un mode supérieur d’existence où l’intelligence sera plus ouverte à la vérité fondamentale exprimée dans l’enseignement du Bouddha. Ainsi, “l’être peut espérer réellement arriver au point où tout désir sera éteint, où tout mauvais karma aura disparu, où la possibilité de retomber dans l’existence sera éliminée. C’est ainsi que l’on arrive au nirvana”. Pour le bouddhiste, le nirvana n’est pas le paradis au sens chrétien et encore moins musulman ; il est l’évasion finale et sans retour hors de la loi karmique qui retient l’homme prisonnier dans le cycle infernal des réincarnations. Dans ce “paradis”, le désir se trouve définitivement aboli.
Le noble chemin octuple est la voie de sagesse enseignée par le Bouddha pour réaliser ce programme d’éradication du désir. Il consiste en une ouverture de l’intelligence (pensée juste, compréhension juste), en une discipline mentale (effort juste, attention juste, concentration juste), enfin en une conduite éthique (parole juste, action juste, moyen d’existence juste). L’action juste va consister en particulier à faire preuve d’une grande compassion envers tous les êtres vivants : les hommes bien sûr mais aussi les bêtes dont on respectera la vie en toutes circonstances. On voit bien là en quoi la réponse bouddhique est autrement plus radicale que celle de l’islam pour éradiquer la violence.
De cette compassion bouddhique, de cet amour du prochain quel qu’il soit (y compris son pire ennemi) de nombreux textes rendent témoignage qui ne sont pas sans évoquer bien des résonances évangéliques quant au pardon des offenses et à l’amour des ennemis. Ainsi, ce texte du moine Santideva au 7ème siècle ( cité par Dennis Gira): “Le nirvana, c’est l’abandon de tout ; et mon âme aspire au nirvana. Puisque je dois tout abandonner, mieux vaut le donner aux autres.
Je livre ce corps au bon plaisir de tous les êtres. Que sans cesse ils le frappent, l’outragent, le couvrent de poussière. Je leur ai donné mon corps, que m’importe ? ... Mais que je ne sois pour personne l’occasion d’aucun dommage. Si leur cœur est irrité et malveillant à mon sujet, que cela serve à réaliser les fins de tous ! Que ceux qui me calomnient, me nuisent, me raillent, ainsi que tous les autres, obtiennent le Bodhi”.
 

3 – 2 ) Le christianisme ou la voie de la transfiguration du désir
A l’instar du bouddhisme, mais par un autre chemin, le christianisme va également proposer au travers de l’enseignement mais surtout de la vie de son fondateur, Jésus de Nazareth, une voie radicale permettant d’amorcer la bonne réciprocité et d’échapper à la spirale mortifère de la lutte des doubles. Ici, le désir n’est pas éliminé, mais il est sublimé en désir amoureux de Dieu (et non pas en obéissance à ses décrets!) et amour du prochain, et du prochain le plus vulnérable et le plus pauvre en qui est reconnu le visage même du Christ souffrant. C’est pourquoi la réponse chrétienne peut être exactement qualifiée de transmutation ou transfiguration du désir. Le désir y reste présent (plus que jamais pourrait-on même dire !) mais son objet et devenu totalement  autre et n’est plus dans le simple prolongement des désirs anciens. Rien n’est donc plus étranger à l’esprit du christianisme qu’une morale de devoir (les interdits et la loi), ce que saint Paul proclamera sans cesse et que saint Augustin reprendra avec son célèbre “Aime et fais ce qu’il te plaît”. C’est le désir bien au contraire, et le plus violent qui soit, qui se trouve mis au cœur de la relation à l’autre.
Il reste bien entendu à montrer comment le christianisme réussit cette transmutation du désir, ce que je vais faire en m’appuyant sur l’analyse qu’en donne René Girard lui-même.
L’amour du prochain est, bien évidemment au cœur du processus, mais avec une définition du prochain -et c’est là la grande originalité de l’évangile et en même temps son apparente utopie- qui s’applique à l’ennemi ou au persécuteur. Pour Jésus, le Royaume de Dieu, écrit René Girard, “c’est l’élimination complète et définitive de toute vengeance et de toutes représailles dans les rapports entre les hommes”.
Aimer son frère ou son ami comme soi-même est certes indispensable. Mais cela ne sert qu’à entretenir une bonne réciprocité déjà installée. L’autre est pris comme objet du désir et répond normalement à ce désir par son propre désir. Il y a gratification mutuelle et cela débouche sur une logique particulièrement bénéfique de la “construction de l’homme par l’homme”.
Mais pour utile que soit ce mode de relation, qui constitue déjà un immense progrès dans les rapports humains, il ne permet en aucune manière de sortir de la mauvaise réciprocité. De plus, la bonne réciprocité est instable par nature ; en quelque sorte, et à l’instar de la monnaie, “la mauvaise réciprocité chasse la bonne”. Que l’autre me gratifie moins que je ne l’escompte et je puis être tenté à mon tour de le moins gratifier. On entre alors insensiblement dans la spirale de la mauvaise réciprocité : la vie commune devient un enfer, la famille se déchire, la communauté se désagrège et finit par s’entre-tuer. C’est bien d’ailleurs pourquoi, à l’aube de l’humanité, c’est la mauvaise réciprocité qui s’installe avec tous ses effets catastrophiques... dont on ne s’échappe très provisoirement que par le mécanisme sacrificiel.

La seule voie non seulement pour s’installer durablement dans la bonne réciprocité, mais passer de la mauvaise réciprocité à la bonne, réside nécessairement dans le pardon évangélique des offenses, lequel implique en ultime conséquence de pardonner à ses persécuteurs et d’aimer ses ennemis. Cette exigence, qui peut paraître soit contre nature (c’était déjà au 12ème siècle l’objection du sultan musulman d’Egypte à François d’Assise), soit effroyablement idéaliste est cependant la réponse cohérente et réaliste permettant de sortir à terme de la violence mimétique. Comme l’observe René Girard “Puisque la violence est mimétique, puisque personne ne se sent jamais responsable de son premier jaillissement, seul un renoncement inconditionnel peut aboutir au résultat souhaité”. Et il rappelle les paroles de Jésus rapportées par l’évangéliste Matthieu “Quand tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens d’un grief que ton frère a contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande”.
Ce pardon des offenses, Jésus devait lui-même le pratiquer jusqu’à la mort en pardonnant à ses propres bourreaux, “car ils ne savent pas ce qu’ils font”. Le persécuteur est en effet le plus souvent mû inconsciemment par le mécanisme sacrificiel du bouc émissaire. La véritable solution n’est donc pas de venger la mort de l’innocent mais de dessiller les yeux du persécuteur en faisant éclater l’innocence d’une victime qui pardonne à son bourreau. René Girard observe : “Il s’agit, en somme, de retourner la mauvaise réciprocité universelle, qui ne profite à personne et qui nuit à tous les hommes, en une bonne réciprocité”.
Ce programme, Jésus s’est efforcé de le vivre dans toutes ses exigences, lesquelles ne pouvaient immanquablement le conduire qu’à la mort violente, comme le note René Girard : “Si tous les hommes aimaient leurs ennemis, il n’y aurait plus d’ennemis. Mais si les hommes se dérobent au moment décisif, que va-t-il arriver au seul qui ne se dérobe pas ? Pour lui, la parole de vie se transforme en parole de mort”.
Ce faisant, Jésus par sa mort, reproduit une nouvelle fois l’image multi-millénaire de la victime émissaire, mais en même temps, il dévoile pour la suite des temps son mécanisme mensonger, enseigne du même coup le chemin de la bonne réciprocité et donne aux hommes le soutien décisif qui doit leur permettre de s’engager sur ce chemin. En ce sens, le Christ peut vraiment être qualifié de sauveur des hommes.
Au cours des deux mille ans d’histoire du christianisme, cet enseignement a pu souvent être oublié, notamment aux périodes sombres d’intolérance religieuse et de pouvoir clérical, pour autant, il n’a jamais été perdu. A toutes les époques se sont levées des générations de pauvres en esprit, de doux, d’artisans de paix, de pacifiques, de persécutés pour la justice,... (pour reprendre les termes même du discours des Béatitudes) qui sont allés jusqu’à l’extrême limite de leur vie pour rendre témoignage de cet absolu de l’amour. Qu’il me soit permis de citer en illustration récente quelques lignes de l’admirable testament spirituel que nous a laissé Christian de Chergé, le prieur de Notre Dame de l’Atlas dont les sept moines trappistes ont été assassinés le 21mai 1996: “J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort... Dans ce MERCI où tout est dit, désormais de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, amis d’ici... Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais”.
 

3 – 3 ) Forces et faiblesses de la réponse islamique
A l’issue de cette analyse comparative, il devient évident que la réponse transférentielle que donne l’islam au problème central du désir mimétique est beaucoup moins élaborée, complète, efficace que celles données par le christianisme et le bouddhisme. En fait, il s’agit d’une réponse plus primitive, plus archaïque, correspondant sans doute à l’état d’une société qui n’a pas encore eu le temps de faire en profondeur l’expérience des effets illusoires du mécanisme sacrificiel ni de réfléchir intensément sur la violence mimétique.
Sur le plan de l’histoire, il faut noter que bouddhisme et christianisme naissent tous deux en plein milieu de civilisations brillantes, dans des sociétés sédentarisées depuis longtemps, où l’agriculture est florissante, la densité de population déjà élevée et où existent de grandes villes. La question de la régulation des rapports sociaux pour en extirper tous les ferments de violence s’y pose donc avec une extrême acuité. A l’inverse, dans l’Arabie du temps de Muhammad, l’espace est vide, des tribus nomades le parcourent sans véritable point d’attache autre que de petites villes où l’on fait commerce, la violence des rapports sociaux (qui est grande) peut à la limite se régler par la fuite, l’éloignement et l’indifférence. Il n’y a pas obligation absolue, comme chez des sédentaires, de cohabiter sur le même lieu. La réponse imaginée par Muhammad a beau emprunter aux traditions juives et chrétiennes, elle reste donc fondamentalement d’inspiration transférentielle et ne va guère au-delà de celle déjà imaginée par Moïse douze siècles avant J.C. ( avant les livres de Job, du Qohèlet et les écrits de sagesse) alors que les douze tribus d’Israël étaient elles aussi nomades.
Il faut toutefois convenir que pour archaïque qu’elle soit, la réponse transférentielle a eu et a sans doute encore aujourd’hui de beaux jours devant elle. C’est cette réponse que l’on retrouve en effet à la racine de toutes les grandes utopies et idéologies contemporaines : nationalisme, nazisme, communisme, ethnocentrisme, mythe de la révolution, tiers mondisme, etc. Et ce n’est sans doute pas un hasard qu’au moment où ces idéologies deviennent moribondes, un certain nombre de leurs orphelins se tournent vers l’islamisme, promu au plan mondial candidat à la succession ( la conversion du marxiste Roger Garaudy à l’islam n’est certainement pas accidentelle). Cette forme conquérante et superficiellement modernisée de l’islam n’a sûrement pas fini de faire parler d’elle et Maudoudi ne sera pas mort sans postérité.
Cependant, et c’est là l’autre face du problème, dans un monde que nous savons désormais fini -la petite planète Terre que d’aucuns comparent à une capsule spatiale perdue dans l’immensité stellaire- l’homme va se trouver de plus en plus dans l’obligation vitale de maîtriser ses propres démons, c’est-à-dire cette violence fondatrice qui a été jusqu’à présent la principale instigatrice de l’Histoire. Et il ne lui sera plus possible de régler à bon compte ce problème par des transferts de conquête car les boucs émissaires extérieurs feront de plus en plus défaut. Force est alors de constater que seuls, parmi les grandes religions du monde, le christianisme et le bouddhisme apportent aujourd’hui des réponses satisfaisantes à ce défi.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’avenir pour l’islam ? Je me garderai bien d’affirmer pareille chose car on ne peut exclure l’apparition demain d’une version sécularisée, pluraliste et non transférentielle de l’islam. Mais pour cela, il faudra que les musulmans acceptent la remise en cause radicale d'un discours théologique figé, hérité du 9ème siècle quand ce n'est pas de la période même des compagnons du prophète. Cela suppose à peu prés sûrement, comme le réclament quelques trop rares intellectuels musulmans vivant pour la plupart en Occident, la réouverture de l'ijtihad, c'est à dire de l'interprétation des textes fondateurs de l'islam (Coran et Hadhits). On sait que "les portes de l'ijtihad" furent déclarées officiellement fermées au 11ème siècle par le calife el-Hakam. Depuis, c'est un interprétation traditionaliste qui prévaut, largement diffusée par les imams (prédicateurs des mosquées), les ulémas (juristes et théologiens), les écoles coraniques et universités islamiques dont la grande université el-Azhar au Caire qui fait autorité dans l'ensemble du monde musulman. L'interprétation de l'islam faite par les fondamentalistes comme Maudoudi peut sembler sans doute exagérément durcie; elle ne s'en inscrit pas moins dans la tradition dominante!
  Cette réouverture de l' ijtihad est pour le moment très problématique, comme le notait non  sans tristesse le musulman Mohammed Arkoun, professeur à la Sorbonne, lors da sa conférence "L'islam actuel devant sa tradition" prononcée en 1995 à Athènes à l'occasion du Colloque organisé par L'Académie internationale des sciences religieuses: "La démarche critique que je préconisais il y a plus de dix ans pour [renouveler] la tradition islamique…est restée lettre morte. Le recours à la lecture historienne critique ou à l'interrogation anthropologique…sont impensables. Ainsi, l'ouverture du vaste chantier de la formation historique et de l'authenticité des corpus officiels…et à fortiori du Coran, demeure un tabou absolu". Le défi est gigantesque; il s'adresse d'abord aux musulmans, mais la paix du monde en dépend.

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Marie-Claude Dupré
CNRS
Coussangette
63840 Viverols

What can Systems science bring to our brave new world? What can anthropology do, or think? Do we simply need another Roosevelt to create a New Deal? When it takes 30 years for Nobel prizing (ex)young economists who dared contest the dogma of an omniscient Market.

No surprise, it a matter of globalization ; the world villages were, not so long ago, scattered around the Mediterranean Sea ; the three monotheist religions clashed swords for a few centuries, until the year 1492 when conquest of the globe became available to Europe, and shifted the targets of competition to the lives of billions of Indians and Africans, then to the inhabitants of the third world.

That deal has come to an end. We found out our techniques enable one to kill 6,000 people with a penknife, and we don’t know how many more with a few hundred anthrax spores. Still we shall, for how long, continue to bring death to millions of "others" because we intend to have a 10 to 15% return on railways and airlines, chemical and oil industry, agriculture, water and what not, according, they say, to the wishes of Scottish widows (in French : la veuve de Carpentras). The Invisible Hand is no more than a small block of rich few aiming at becoming Richer...

But, now, what we did to others for centuries can be done to us. This is a logical consequence of the World Market dynamics. World Market was designed without equality, nor reciprocity, triggered by only one theory, expansion of profits is endless. No, sirs, it ends when submission of billions working poor ends. Yet, terrorism does not intend to bring relief to these people who stand as mere alibis to justify hatred and war. Some occidental thinkers have triggered the idea that wealth (of a very few) and technical progress may not be the glorious, and only, finality of human societies. Systems scientists used to stumble over the ideas of teleology, teleonomy or the (necessary) emergence of complexity. And, being born in occidental Europe, we struggled against admittedly religious ideas of a divine scheme specially scheduled for Man on earth.

The world organisation that has actually emerged is but anomy. It resembles more a criminal band than a jazz band. The only music is that of missiles and mines. The only rule is profit and destruction (of persons, salaries, land, water, nature...). The wealthy of all countries are united against the wretched, women and children first. It is a very miserable organisation indeed. We cannot turn back to paradise. As a systems scientist, I foresee we have to trudge forward into complexity. Into sharing with others, living more "economically", i. e. according to sustainable development. No more teleology, but an oxymoron future. The poor may rebel, but soil, air, water can also prove to become fierce enemies when they do not receive their due.

As a person, I sincerely do not know what to do. As a woman, I cannot agree with any organisation, religious or political, who so consistently ignores the feminine part of human world.

As an anthropologist, I venture to say ignorance and mis-information can be set right. Terrorism at least draws attention to the unbalanced state of the world village. It is more awkward to deal with faith and beliefs, and more still with our habits of a comfortable life.
 

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Dr. Catherine Guitton
Psychiatre des Hôpitaux
127 Avenue J.B Clément
92100 Boulogne
<espace.famille@wanadoo.fr>

Psychodynamique et Géopolitique













 L’expérience est une école où les leçons coûtent cher mais c’est la seule où les insensés peuvent s’instruire ". Je ne me souviens plus de l’auteur de cette citation (Daudet ou Zola ?) mais cette sentence résume ma première approche des événements actuels. Elle est valable pour les Etats Unis qui viennent d’être brutalement remis en question dans leur multiples (dys)fonctionnements, mais elle est valable aussi pour Ben Laden et ses complices, ainsi que pour tous et pour chacun… parqu’il est des instants où le réel nous rattrape et que si l’on est incapable de le conscientiser, lui ne se laisse pas oublier.

Certes certes, les attaques terroristes sont barbares et immorales. Certes, elles sont condamnables et il faut faire appel au droit et à ses pompes (d’ailleurs peut on encore croire dans les lois, comme le dit M. Yourcenar dans " les Mémoires d’Hadrien " ?).

Bon, d’accord pour une minute de silence pour les victimes du World Trade Center, tout en songeant que s’il avait fallu faire une minute de silence pour toutes les victimes de l’oppression américaine, on ne se parlerait plus beaucoup !

Question réseaux ethnoculturels et mémoires, ni les Indiens d’Amérique du Nord ni les Black de tous horizon, ni les latinos ni les vietnamiens, ni les ouvriers n’ont su s’organiser aussi bien que Ben Laden et ses complices. Le monde arabe avait quelques atouts décisifs (le pétrole notamment) en plus.. mais tous avaient de bonnes raisons. Ce revirement mortel des équilibres planétaires était cependant attendu et prévisible depuis longtemps. Et les événements apocalyptiques de septembre aux USA nous obligent à reconsidérer l’ensemble d’une situation dont nous avions pris l’habitude de dénier l’existence.

C’est pourquoi l’expérience est une école car, si on ne peut accéder à la symbolisation et à la conceptualisation des conséquences des processus que l’on met en œuvre dans le réel, seule la mise en scène directement, en face à face, et sans issue de secours ramène la primauté de la perception à la surface de la conscience : elle oblige à modifier les représentations mentales.

Ca pourrait s’appeler le " retour du refoulé " : ça fait irruption, effraction dans votre monde et ça anéantit vos représentations mentales, ça vous blesse, ça joue avec votre vie, ça peut vous tuer. En psychothérapie individuelle ces moments sont très durs à vivre et le thérapeute est là pour les accompagner, en thérapie familiale, aussi….

Mais on sait que c’est à ce prix qu’on grandit et qu’on accepte de changer les règles et les modèles qui président à nos comportements. La souffrance est une épreuve incontournable qui fonde le sujet, universellement, dans la soumission, l’acceptation ou la révolte. Enfin qui " pourrait " le fonder… Préventivement et stratégiquement, c’est aussi une dimension humaine à prendre en considération, mais visiblement c’est un défi impossible.
 
 

En second point, ces événements ramènent aussi à la conscience le fait que c’est la mort qui donne un sens à la vie. Ainsi chacun est libre de choisir sa mort et, pour les terroristes, mourir glorieusement " pour des idées ", comme dit Brassens, est une affirmation de leur existence.

Le sacrifice de soi et la folie font partie de la vie, être victime de la folie des autres aussi. Il n’y a même pas besoin de se scandaliser ni de se répandre en condamnations : c’est arrivé c’est tout. C’était possible, c’était pensable, c’est fait.

" L’autorité ne peut rien contre devant les faits : c’est le plus faible des arguments ". En effet, les fonctions d’autorité sont des constructions dans le symbolique et les faits sont dans le réel. Par définition, les faits utilisés comme langage, notamment en cas de conflit, arrivent rapidement à faire exploser les cadres et les contextes et ainsi modifient le contexte et modifient le sens même des communications.

Ils obligent à changer le référentiel symbolique des valeurs, des modèles et des objectifs. " L’action prime sur la parole ", c’est classique, on l’a déjà dit… Bref, maintenant c’est les lois qu’il faut changer… et les mythes qui les fondent.

Le troisième point est une considération tirée de mon expérience des familles en crise et de leurs thérapies. Les lectures linéaires et morcelées de leur état de crise, finisent, à l’aide des thérapeutes, par se recomposer sur un mode plus circulaire, intégrant de nombreux autres niveaux logiques : les énergies bloquées se remobilisent, les émotions se partagent, les informations – explications s’échangent, les non-dits se lèvent, les processus de confirmation mutuelle et d’alliance s’élaborent, les valeurs, les mythologies et les règles intrafamiliales se refondent.

Il est fréquent de voir émerger du chaos des énergies inattendues et invisibles jusqu’alors, de sentir entrer en résonnance des sensibilités, des imaginations, des mémoires inespérées… Des potentiels issus de la désorganisation elle même prennent leur envol et révélent le chemin. Il ne faut donc pas désespérer de la puissance intégrative du moi. Mais il ne faut croire non plus que cela changera le monde et la nature humaine Il faudra peut être encore beaucoup de morts pour que soient modifiés les quelques fonctionnements nécessaires et indispensables au retour d’un équilibre mondial un peu moins insupportable que le précédent. Le choix de la solidarité et du respect de l’autre est rarement fait de bon cœur dans certains contextes (économiques, politiques, sociaux) : on y est " réduits ", dans tous les sens du terme..

Ainsi croyez vous que ces expériences rendront plus sensés nos dirigeants ? Par exemple, ils pourraient décider de guérir certains abcès sans attendre de nouvelles morts. En Irlande par exemple, ou chez les harkis en France… ? Mais croyez vous que l’humanité ait encore envie de s’instruire et de sauver sa planète ?

Merci de vos réponses !

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Georges Y. Kervern
TACTIC,
46 Rue Chardon-Lagache
75016 Paris
 <gyk@tactic.fr>

I-LARM
LOCAL AUTHORITIES RISK MANAGEMENT BY INTRANET













ABSTRACT

Local authorities have started risk management. Risk management will use INTERNET technologies. Among Internet technologies for Local Authorities Management are Geographical Information Systems (GIS) are developping very fast. Geographical, Demographical, Accidents Statistics are progressively included in mapping technologies.
Mapping software are enjoying fast development in connection with internet/WEB technologies. Distributed Decisions Support Systems(DDSS) are the tools that are developped in emergency preparedness. A significant reduction in Fatalities/ injuries frequences can be reasonnably expected from the combination of WEB TECHNOLOGIES with GIS and DDSS.

TABLE OF CONTENTS

1)SUMMARY OF Former Presentation :SMART and SAFE COMMUNITIES
2) GIS : The Geographical Information System Concept
3) DDSS :The Distributed Decision Support System Concept
4) A New Concept : The Integrated Platform joining DDSS to GIS
5) STATE of the ART in GIS/DDSS/SMART COMMUNITIES in NORTH AMERICA
6) State of the ART in GIS/DDSS/SMART COMMUNITIES in EUROPE
7) CONCLUSION : DESIGN OF AN INTEGRATED PLATFORM for the CITY/REGION of the FUTURE : The I-LARM CONCEPT
 

1) SUMMARY of former presentation : SMART and SAFE COMMUNITIES

A first state of the art of the development of INTRANET in Territorial Communities : local areas,districts, cities,regions has been presented to worldwide summit 1999 of the INTERNET Society in San Diego(CALIFORNIA)

The association TELECITIES acting at the European level with the cooperation of 150 cities of different size has contributed to this review. This review shows that significant achievements are monitored by permanent working groups of TELECITIES, mainly :

-Public Administration and City Information Highway
-Standards and Legislation
-Economic Development (with an emphasis on SMEs)
-Teledemocracy
-Environment
-Quality of life
-Healthcare
-Employment and Teleworking
-Education and Training

Up to now, nevertheless, insuficient priority has been given to the prevention of fatalities and injuries. This is true in Europe and also in North America. The review of state of the art in USA has shown the growing impact of INTERNET Technologies. Transformation of LANDSCAPE, i.e  physical environment and of political and government processes have been forecasted. A comparative Analysis of experiences in SINGAPORE as CITY STATE and regions like Raleigh-Durham, North Carolina and Joint-Venture Silicon Valley show already trends in collaboration crossing different functional sectors-government, business, academia, non-profit organizations and different jurisdictions, within a given geographical region.

The Safe communities concept has been at the center of a Multi-year Multi-National program of World Health Organization(WHO).A program on Injury control has ben developped consistently.The Karolinska Institutet located in Sweden near Stockholm (http://www.ki.se/phs/wcc-csp) is the main actor on the Safe Communities concept. The Karolinska Institutet monitors the European Safe Community Network : ESCON.

The development of CINDYNICS (Ref LATEST advances in Cindynics see Biblography), the Sciences of Danger as an application of the SYSTEMIC/HOLISTIC approach proposed by the NOBEL prize Herbert A. Simon opens the perspective of a complete reformulation of Risk management of Complex System(see on the Web http://www.cindynics.org).Decision Support Systems DSS, designed in application of Research in CINDYNICS have been designed by the Technopolis Sophia Antipolis in the south of France (Ref System DEDICS 4th Framework Progam of the European Union).

The main perspective proposed by the presentation delivered during INET 99 in San José (JUNE 1999) was to use the latest developments of INTRANET and the Latest Advances in CINDYNICS to create a collective consciousness allowing the permanent monitoring of perils and hazards of the day to day life by local authorities.

2) GIS : The Geographical Information System Concept

A Geographical Information System (GIS) is defined as a computer system that can store, retrieve, analyse and display, spatial data.

2.1 GIS DIMENSIONS

Spatial data is unusual, compared to the more common data sets used in local government in that it is multi dimensional. Spatial data has at least two dimensions to record locations (e.g. latitude, longitude or easting, northing, or x, y) This implies a more sophisticated indexing mechanism than is necessary for uni-dimensional data such as alphabetical or numerical lists.

For many risk related applications up to two more dimensions are required. The third spatial dimension (e.g. altitude or height or z) is usually handled in GIS separately from the two basic dimensions. This is due to the fact that most GIS data is derived from two dimensional source maps that hold relatively little information on the third dimension. As a result the storage and processing overhead of holding a third co-ordinate for every data point is not justified.

The third dimension is also used for different purposes. In a topographical map it is equivalent to the first two dimensions and is the simple spatial measure of height. However it may also be used to represent many other variables, such as the intensity of a risk. For example an urban pollution map may represent the intensity of pollution risk as a risk ‘surface’ in the third dimension.

    1. GIS COMPONENTS
GIS have three essential system components : 2.2.1 MAPPING COMPONENT A mapping system – this is the primary visual part of the user interface. In most current GIS systems the data that defines the map is held separately from other data that describes the attributes of objects depicted on the map. Because of the need to attach data a map in a GIS has to be defined much more fully than for map reproduction in a CAD system. Objects on the map that will have data attached to them need to be structured explicitly as points, lines or areas.

                                        2.2.2 DATA COMPONENT

The second component is the database. This holds an index of the spatial objects depicted on the structured map and attributes of those objects. The relationship between the map and the database in a GIS is two-way. Objects selected on the map are usually highlighted in some way and a query is generated to retrieve data related to those objects. Alternatively a text query can be generated directly, or indirectly, usually in some variant of SQL (Structured Query Language), possibly with additional spatial operators.

The result of the query is returned by highlighting the objects that satisfy the query, on the map.

                                        2.2.3 ANALYSIS COMPONENT

The third element of a GIS is a spatial analysis sub-system. Such a system can take data from the mapping system and carry out an analysis. This generates new map objects, for example a series of point values can be converted into a contour map Alternative the result of the analysis may update the database with new attributes for existing objects.

3) DDSS : The Distributed Decision Support System Concept

A DDSS is designed to Integrate and allow active cooperation of the actors listed in the CINDYNIC SITUATION.

These actors are using four Types of COMPONENTS :

-COMPONENTS of PERCEPTION : these components are obtaining informations from the environment(§3.1)
-COMPONENTS of ANALYSIS : these components are supporting the decision making process of the actors enttitled to make decisions concerning the Disaster/Crisis management(§3.2)
-COMPONENTS of COMMUNICATION : these components are supporting exchanges of informations between the Actors(§3.3)
-COMPONENTS of INFORMATION : These components are designed for information of the Public (PRESS, MEDIA, Guidelines etc..)(§3.4)

3.1 COMPONENTS of PERCEPTION

The components of PERCEPTION are oriented on validity tests and integrity tests designed to filter information for preventing THE GIGO SYNDROM (Garbage In Garbage Out). The quality of information used by the COMPONENTS of ANALYSIS is checked by techniques of spatial Integrity and of chronological integrity.

This means that any atypical DATA -showing spatial or chronological discontinuity- is subject to specific analysis.

The perception process uses sensors. These sensors are designed to collect information on the meteorological evolution, the physical parameters of the environment, and the parameters allowing to describe the evolution of the Disaster. Generally, the sensors are connected to the DDSS components via Telephone, Radio or Satellites. Tele-sensing by Satellites is an important field of research and Developpment.

An important concept in the perception process is the validity period of a data recording the present value of a parameter. Temperatures, physical parameters have a life duration. The frequency of measurement has to be adapted to this Valdity period.

All this critical points are conditionning the quality of the information delivered to the decision making process supported by the Components of ANALYSIS.The display of information in the System is organized in an ergonomic way. Depending of the rate of change of information the interface between actors and the system uses GRAPH, TABLES, ICONS etc..

3.2 COMPONENTS of ANALYSIS

The components of ANALYSIS are the heart of the decision making process.

This process will compare the CINDYNIC SITUATION (Ref LATEST ADVANCES IN CINDYNICS P.17) as described by the components of perception with former CINDYNIC SITUATIONS. This implies the constitution of reliable DATA BANKS on former /similar events/situations.Techniques of debriefing are refined in order to prevent deterioration of the quality of data stored. The deterioration may originate in partial or false reporting. Psychological bias or lack of memorisation are the main pitfalls of the data bank Management. Presently research is focussed on simultaneous recording, using the facility offered by G.I.S to record facts during actions.

We see, at this critical step of track records of operations on the Field,the importance of the ARTICULATION of the two basic concepts of the present paper : DDSS and GIS.The use of on line record of operations with the precise TIME X SPACE registration allowed by the combination of GIS and TIME records is a way to prevent

Distortion of reporting and /or Default of Memory.

An other critical part of Components of Analysis is the SIMILARITY TEST.How similar is the situation faced by the actors with former situations stored in the DATA BANKS ?This is a comparison problem that is handled by logical/mathematical tools.

From the similarity Test, data are selected for building Guidelines (positive : " Do " or Negative " Don’t ") allowing a better management of the Teams facing disaster development on the field.

3.3 COMPONENTS of COMMUNICATION

The main problem of communication is to build and maitain a common representation of the CINDYNIC SITUATION. This representation has to be shared and accepted by the different actors engaged in operations. Command and Control of the situation by the actors reponsible of the strategy is at stake. This is obtained by the use of HARDWARE (Portable devices Phones or Computers, Satellites,etc..)and SOFTWARE(Ref FLORINUS asystem of common User Interface with a unique system of Geographical Representation)

3.4 COMPONENTS of INFORMATION

Necessity of information of population, Medias, Authorities has been shown by the experience of CRISIS Management and Emergency preparedness. Legal, social,psychological obligations have to be taken into account in the early phases of the system design. If not embedded in the system and carefully adapted to the different types of targets, the information will be insufficent. This is a classical case of aggravation of CRISIS.

A cooperation of the medias and the population is the central purpose of these components of Information.
 

4) A New Concept : The Integrated Platform joining DDSS to GIS

The main proposal of the present paper is to choose the GIS concept as the TOOL for creating the INTEGRATED PLATFORM allowing cooperation between the DDSS used by the different EMERGENCY CALL CENTERS.DDSS have to be designed consistently with a direct on line access to GIS.
At the prevention level, the GIS /DDSS SYSTEM will be designed to operate as a TOOL of the Collective Consciousness of the CITIZENS.
A priority goal has to be fixed in the Strategic Plan of the Local Authority for cutting INJURIES/FATALITIES rates, by instituting the Holistic/systemic approach of RISK MANAGEMENT. This approach is now usually put in practice by the most advanced industrial companies,with impressive results.

5) STATE of the ART in GIS/DDSS/SMART COMMUNITIES in NORTH AMERICA

5.1 The SERVICES TO CITIZENS DEMAND

US Citizens today are demanding more and more services from their respective governments. They want current and useful information that will enable them to become more productive and knowledgeable citizens. In fact, the practice of democracy demands that all of the public have access to government information and services. Citizens need to be able to find answers to questions interesting their job, travels, education, entertainment, safety, health, security, privacy

5.2 The Federal Offer for Services to Citizens

All levels of government are currently providing information and services to the public. Local governments routinely provide various types of information to its residents. State governments perform the same function and can also provide financial inducements or incentives for local governments to employ various forms of information technology to disseminate goods and services. The Federal Government also offers a number of programs that provide funding for information technology programs ranging from the Department of Commerce to the Department of Agriculture. For example, the Department of Commerce’s National Telecommunications and Information Administration (NTIA) is responsible for advising the President on telecommunications and information policy issues and administers a grants program to support the development of the NII.

One major funding opportunity available to communities throughout the United States is the Telecommunications and Information Infrastructure Assistance Program (TIIAP). Created in 1994, this program has awarded over $100 million in Federal matching grants that demonstrate practical applications of new telecommunications and information technologies that serve the public interest.
(http://www.ntia.doc.gov/otiahome/tiiap/general/general.html)

5.3 The SMART COMMUNITY CONCEPT

The SMART COMMUNITY CONCEPT has emerged from the constant state of change engined by information technology. (Castells, 1989, 1996; Caves and Walshok, 1997, 1999; Doheny-Farina, 1996; Graham and Marvin, 1996; Moss, 1998; Negroponte, 1995; Tapscott, 1996)
The 1997 Smart Communities Guidebook, published by the International Center for Communications at San Diego State University, defines a Smart Community as:

A geographical area ranging in size from a neighborhood to a multi-county region whose residents, organizations, and governing institutions are using information technology to transform their region in significant ways.
Cooperation among government, industry, educators, and the citizenry, instead of individual groups acting in isolation, is preferred. The technological enhancements undertaken as part of this effort should result in fundamental, rather than incremental, change.

Becoming a Smart Community does not occur overnight. It does not offer a quick fix to an area’s problems. It is not a panacea. It should be viewed as a cooperative venture between all parties and not dominated by any individual or group. It must also be viewed as an organic project that will need to be adjusted as a community’s needs change. The State of California’s Smart Communities project, which was created several years ago as a mobility project, has been viewed as essentially a community development project, not as a technology transfer project.

Several examples can illustrate how GIS is being used in the United States. The Orange County, California, Board of Supervisors, has employed a GIS prepared by Psomas in Costa Mesa, California (Henry, 1999). This specific GIS, based on the Environmental Systems Research Institute, Inc. (ESRI) ArcInfo and ArcView GIS software, allows different airport use scenarios to be viewed graphically. Data contained in the Psomas GIS includes noise information, infrastructure, existing buildings, topography, hazardous materials, site classifications, demographic information, and other data.

The Sedgwick County, Kansas, GIS Department has employed GIS technologies to aid it in its disaster preparedness planning and response. On one occasion, the GIS Department used the technology to map properties damaged during a tornado and to assess the values of the impacted properties. Staff then prepared a map showing the probable path of the tornado, and, with the use of aerial photography, they were able to refine the maps.
In June, 1999, the Federal Emergency Management Agency (FEMA) joined forces with ESRI to develop "Project Impact: Building Disaster-Resistant Communities." Some 120 communities are participating in the project. The project has ESRI providing a variety of multihazard maps and information to all facets of the community. The maps produced during Project Impact will enable communities to assess risks, identify hazards, and to promote public awareness and mitigation planning and management. (ArcNews, 1999).

The U.S. Defense Threat Reduction Agency (DTRA), FEMA, and the Science Applications International Corporation (SAIC) have created an innovative tool known as CATS (Consequences Assessment Tool Set). Using GIS data to display a number of variables, CATS represents an important tool providing information (probabilities, numbers of population affected), to support multiple crisis management decision-makers. It can be used during natural disasters, such as hurricanes and earthquakes, and other incidents as industrial accidents, terrorist attacks, and during nuclear or biological incidents It allows decision-makers to simulate a given disaster and assess how the extent of damage to people, facilities, and property. Users of the CATS software can "combine multiple layers of information: hazards, casualty damage, and effects on the infrastructure, to create a quick and useful assessment of the total impact of a major disaster." (Swiatek and Kaul, 1999, 3) It currently has over 150 data bases/map layers. CATS received a prestigious 1996 Ford Foundation Innovation in American Government Award.

6) State of the ART in GIS/DDSS/SMART COMMUNITIES in EUROPE

6.1 STATE of THE ART IN GIS

Traditional GIS systems, based on a single workstation or in a client-server environment can now be considered to be a mature technology.

More recentsystems can integrate imagery (usually aerial or satellite images), with high resolution and well structured vector based maps. A small number of dominant vendors, including ESRI, MapInfo, Intergraph and Autodesk dominate the market for PC or workstation based GIS. Such workstations can stand alone, but are usually used in the context of a local network.

Over the last two to three years the role of traditional GIS has begun to change significantly. While it was previously used for both the heavy duty tasks of building GIS maps and databases and analysing the data, it was also the principal viewing environment. However viewing or browsing geographical information is a much less demanding task than building the underlying system. This was not cost effective and it greatly reduced the number of users for whom map base viewing facilities could be provided. A low cost distributed solution was required in order to popularise the use of map based information systems.

GIS on the Internet

The WWW and associated browser technologies was soon recognised as the most effective way of allowing large numbers of users to interact with maps and GIS produced output. In a very short time about four generations of mapping techniques for the Internet have been used

6.2 STATE of THE ART IN DDSS

One of the most advanced system for crisis management is the DEDICS system : Distributed Environmental Disaster Information and Control System designed in international coperation under the coordination of the research CINDYNIC team of Sophia Antipolis (Jean Luc WYBO MAIL :wybo@cemef.cma.fr). The DEDICS project is undertaken by 11partners coming from 6 European Countries.Main contributors to the program are France (Sophia Antipolis), Greece(Athens and Heraklion), Germany,Spain.

DEDICS has been initially designed for the monitoring of Forest fires and Floods. But the architecture of DEDICS is designed to face any type of emergency complex system management.This is a GENERIC DDSS.

6.3 STATE of the ART SMART COMMUNITIES in EUROPE

Permanent updating of R&D on new technologies applied to TERITORIAL UNITS are now available on 2 WEBSITES supported by 2 Specialized Associations :

TELECITIES (More than 150 SMART CITIES in EUROPE http://www.edc.eu.int/telecities)
TRN: TeleRegionsNetwork (50 SMART REGIONS in EUROPE, http://www.teleregionsnetwork.org)

Regular meeting organized by these 2 ASSOCIATIONS offer opportunities to elaborate joint projects associating several Cities or Regions on INTERNET / INTRANET/ EXTRANET. For local government Services to Citizens, Cyberdemocracy, Education,Teleworking, Telemedecine, Tourism, Transportation,and Cultural developments in libraries, museums,etc..

7) CONCLUSION : DESIGN OF AN INTEGRATED PLATFORM for the CITY /REGIONof the FUTURE

The 5th framework program of R&D in EUROPEAN UNION has defined the concept of Seamless Integrated Platform. This concept will be at the center of MULTIFONCTIONNAL management of SMART COMMUNITIES.

The basic concept of the present paper is to design a Territorial :

Integrating System.

The integration will be realized by a GIS, Digitalizing the MAPS and Geographical informations necessary to the management of local Authorities/ Governments.
Emergency Call centers will be articulated on this Common GIS and reinforced by the DDSS Technologies as EXPOSED Above in 6.2.
Citizens will participate actively in the design and management of the integrated GIS/DDSS Platform.
A new FORM of Collective Consciousnes will emerge. Fatalities and Injuries in the day to day life can be cut by a Factor of 3 to 5

If they want to be elected in the Future, Officials and community leaders need to get back to their "A’s, B’s and C’s."

The "A" stands for access. This means that all people should have access to the technologies and not just a select group of individuals. This is fighting the DIGITAL DIVIDE as defined by the Assistant Secretary for Communication and Information, U.S. Department of Commerce, suggests in the July 1999 Report Falling Through the Net: Defining the Digital DIVIDE.

The "B" stands for bandwidth. It will be critical for future applications.It’s not only TECHNICAL BANDWITH but also SOCIAL BANDWIDTH that is at Stake. This means that the local authorities have to allow sufficient citizens participation to prevent a negative Mindset to block the development of the Information Society

The "C" stands for CONSCIOUSNESS, Only the emergence of a collective ON LINE CONSCIOUSNESS will legitimate the budgets ot this transformation of the DAY to DAY life in Territorial UNITS. For obtaining the decrease in statistics in Fatalities and Injuries, still at an inacceptable level,it is critical to develop this collective consciousness to prevent catastrophes that are not accidents but the product of what Harvard university has coined as STATISTICAL MURDER! !

IT’S WHY WE PROPOSE I-LARM an exceptional opportunity for fostering Citizens Participation and Understanding of the real benefit of CYBERDEMOCRACY.

I-LARM BIBLIOGRAPHY

- CINDYNICS REFERENCE

G. Y. KERVERN LATEST ADVANCES IN CINDYNICS. ED : ECONOMICA PARIS

- SMART COMMUNITIES REFERENCES

Castells, M. (1989). The Informational City. Oxford: Blackwell Publishers.
_____. (1996). The Rise of the Network Society. Oxford: Blackwell Publishers.
Caves, R.W. and M. G. Walshok. (1997). "Developing Smart Communities in California." California County (November/December): 29-31.
_____. (1999). "Adopting Innovations in Information Technology." Cities 16 (No. 1): 3-13.
Doheny-Farina, S. (1996). The Wired Neighborhood. New Haven: Yale University Press.
Graham, S. and M. Simon. (1996). Telecommunications and the City. London: Routledge.
International Center for Communications. (1996). Strategic Plan for Enhancing Mobility On the Information Highway. San Diego, CA: International Center for Communications, San Diego State University.
_____. (1997). Smart Communities Guidebook. San Diego, CA: International Center for Communications, San Diego State University.
_____. (1998). "Technology and Cities." Cityscape. 3 (No. 3): 107-127.
Nardi, B.A. and V.L. O’Day. (1999). Information Technologies: Using Technology with Heart. Cambridge, MA: Massachusetts Institute of Technology Press.
National Telecommunications and Information Administration. (1999). Falling Through the Net: Defining the Digital Divide. Washington, DC: National Telecommunications and Information Administration, U.S. Department of Commerce.
Negroponte, N. (1995). Being Digital. New York: Knopf, Inc.
Tapscott, D. (1996). The Digital Economy. New York: McGraw-Hill.

- GIS/ DDSS IN USA REFERENCES

Henry, C. (1999). "Planning the Future of a Former Marine Air Station." ArcNews 21, No. 3 (Fall): 16.
Swiatek, J. and D. Kaul. (revised 1999). "Crisis Prediction Disaster Management." SAIC Science and Technology Trends II. McLean, Virginia: CATS SAIC, pp. 1-13.
ArcNews (1999). "ESRI, FEMA" Foster Preparedness. 21, No. 3 (Fall), 21.
DeYoe, C. (1999). "GIS on the Front Lines." ArcNews, 21 No. 3 (Fall), 20.

- MAIN BIBLIOGRAPHICAL REFERENCES CONCERNING DEDICS

Dynes, R., Quarantelli, E.L., Kreps, G. A Perspective on Disaster Planning. Defense Civil Preparedness Agency, Washington, D.C. USA, 1977
Guarnieri F., Wybo J.L., "Spatial Decision Support and Information Management, Application to Wildland fire Prevention: the WILFRIED system", Safety Science 20 (1995), pp. 3-12, Elsevier
Schmidt D., "Florinus: an Emergency Management, Information and Communication System for Fire brigades, Police forces and Civil protection", in proceedings of TIEMEC’95, Nice, May 1995
Wybo J.L., Kowalski K. Command Centers and Emergency Management Support, in proceedings of TIEMS’97, Copenhagen, May 1997.
 

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Diane Laflamme
<ad.laflamme@sympatico.ca>
 

Ouvrir une deuxième fenêtre sur l’écran de l’actualité




Au début de septembre, je venais d’entamer la lecture d’une récente traduction de Niklas Luhmann publiée sous le titre The Reality of the Mass Media. J’en étais à peine au premier chapitre, intitulé " Differentiation as a Doubling of Reality " et je me demandais comment réussir à vraiment dire la même chose en français : je ne peux quand même pas faire semblant de prendre un objet appelé réalité pour ensuite le doubler, le dédoubler, le redoubler… Non. Il s’agirait plutôt d’ouvrir quelque chose comme une deuxième fenêtre sur l’écran, ou à l’horizon. Pourquoi pas : se donner un double horizon… un premier et un second ? L’outil d’abstraction que Luhmann propose et qu’il applique lui-même dans toutes ses analyses sociologiques est l’observation de second degré : observer l’observateur. Le système-observateur commence par instruire une distinction, distinguer une différence, et il en arrive ainsi à se donner un horizon au sens où l’entend la phénoménologie. On pourrait dire qu’en posant des distinctions et en les observant ensuite en tant que distinctions de type soi/autre que soi (ou auto/hetero), l’observateur se donne accès à un horizon qui serait second par rapport au premier en tant que structure de la perception. Le titre du chapitre était en train de devenir pour moi : instruire une distinction pour se donner un double horizon.

Le 11 septembre 2001 à Montréal, au début de l’avant-midi, j’étais seule devant l’écran de mon téléviseur. J’avais à peine constaté qu’une première tour du World Trade Center était en feu lorsque le deuxième avion est apparu en direct sur mon écran, un écran non digital où il est impossible d’ouvrir à loisir une deuxième fenêtre… Le reste de l’avant-midi, je n’ai pu qu’appuyer sur les boutons de la télécommande pour avoir accès, comme observateur de premier degré, à de la souffrance racontée en direct ou à la reprise en différé d’images insoutenables.

Luhmann répète dans plusieurs de ses ouvrages que l’observateur est aveugle. L’opération même qui consiste à instruire une distinction, fait en sorte que ce qui n’est pas distingué par le système-observateur lui devient temporairement invisible. L’outil d’abstraction utilisé pour observer (la distinction de type auto/hetero) est un codage binaire qui obéit à la logique du tiers exclu.

À qui donc étais-je aveugle, télécommande en main, le 11 septembre 2001 ?
 

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Gianfranco Minati
AIRS, Italian Systems Science Society, Chair
<gianfranco.minati@airs.it>

















The current global stability, far from the equilibrium, of the system "world" looks to be not sustainable. That's because the stability of the system is based on such an unbalanced configuration of interacting subsystems. To keep stability between unbalanced subsystems requires energy and resources greater than the available and produced ones by the system.

This approach may be applied to different kinds of systems like micro social systems, companies or people with disabilities. In economics it applies when the different systems interact only looking to maximize their particular interest without any global ethics caring about the global effects in space and time.
With reference to the subsystems of the unbalanced configuration and particularly to the ones having the more stressing situation, the system may react to such an unbalanced, stable and very highly energy consuming situation with INTERNAL and EXTERNAL strong, destructing reaction. To escape to dissipate energy and resources to keep stable an unbalanced system we must design harmony. To just react with violence to a violent disharmony is not strategic and just ineffective: a behaviorist linear reaction. It may be locally necessary, but it's not strategic. Your country (USA) has been and is the source of  so much knowledge produced also by non American that emigrated looking for freedom, for a more comfortable and productive life, that I'm sure the entire world will have new inspiration and knowledge from the reaction of the U.S. to this challenge. The future must be designed with all the involved stakeholders to be sustainable. We all have contradictory behavior: let's the positive part be predominant.
In the current situation we may be induced to metaphorically think having viruses in the body and then the assumption is that a good  strategy is to cut out both the assumed source of the viruses and the place where they are assumed to be accumulated. But in such a strategy there is the assumption  that the enemies come from outside. In our case the problems come from the inside of the world (if we assume this perspective and not just a reductionistic, local one) and the classical antibiotic strategy is just not effective. It's important to remove them where are accumulated, but the good strategy is both to reinforce the ENTIRE body and to remove the reasons why the body is producing self-enemies. The process of producing self-enemies metaphorically seems a process of suicide: it informs that the global system is suffering.. The homeopathic approach having the strategy to reorganize and reinforce the body looks a good option.

 

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Rochoux Jean-Yves
<jean-yves.rochoux@wanadoo.fr>

Guerre et Paix ?
ou
Comment assurer la seconde sans faire la première !


















Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux USA ont suscité de multiples réactions dans le monde entier ! Du côté occidental il semble que face à une agression d’une ampleur et d’une nature inédites1, les valeurs du pacifisme, de liberté et de justice se brouillent, s’embrouillent même. En effet au nom de la liberté, de la justice et de la paix, une guerre véritable, une riposte militaire2 essentiellement américaine, s’installe en Afghanistan et menace d’autres pays !

Un paradoxe à interroger

Il y a là un paradoxe qui ne peut que susciter la réflexion. Cette incohérence entre les valeurs reconnues et celles qui semblent dominer dans la situation actuelle est bien compréhensible. Cela tient au caractère extraordinaire, à la fois spectaculaire et horrible, de l’action terroriste du 11 septembre : assez logiquement des réactions instinctives et violentes extrêmes font face à un danger mortel de grande ampleur. Si ce premier temps est inévitable, on ne peut que souhaiter qu’une certaine capacité à raisonner, la caractéristique la plus spécifique de l’espèce humaine qui la différencie, dit-on, des autres espèces animales, reprenne rapidement ces droits. Le problème posé est mondial et une approche globale, systémique peut sans doute permettre, sinon de dégager des réponses conformes aux valeurs habituellement retenues, du moins de poser certaines questions qui pourraient, à terme, y conduire. Il s’agit de passer d’une réponse compréhensible mais assez purement animale à un projet proprement humain qui fasse une plus grande place à la Paix dans le monde.

On peut s’interroger tout d’abord sur les causes profondes de cette action terroriste : l’islamisme3, les inégalités économiques mondiales, l’échec des mesures anti-terroristes, la haine d’un homme pour les Etats-Unis et ce qu’ils représentent … On peut se demander ensuite qui est le coupable de fait : Ben Laden et son réseau Al-Quaida ou d’autres terroristes et envisager la nature de la réplique et les sanctions appropriées. Les responsables américains ont déjà répondu en grande partie à toutes ces questions :

- L’islamisme est la raison profonde,
- Ben Laden est le coupable avec son réseau
- Et la guerre multidimensionnelle (financière, économique, militaire, du renseignement …) conduite par les Américains eux-mêmes, pour l’essentiel, est la réponse logique d’un pays libre et démocratique à une agression féroce et injuste !
Cette réponse pose à son tour de multiples questions et il n’est pas possible de les envisager toutes tant elles sont nombreuses et nécessitent des développements importants hors de proportion avec ce texte. Nous voudrions nous limiter au problème posé par la guerre, sous son aspect militaire, comme réponse à l’agression initiale.

Une réponse "à l’ancienne" à une agression malheureusement "moderne" !

On peut en effet se poser différentes questions relatives à la réponse militaire américaine. La riposte américaine est-elle légitime ? Les Américains ont-ils le droit de se défendre ainsi ? L’ampleur des dégâts et l’émotion réelle et médiatique provoquées par les attentats militent pour une réponse du genre "oeil pour œil, dent pour dent" qui semble acceptée par un grand nombre d’Etats, d’organisations et d’individus. Même s’ils ont obtenu le feu vert du conseil de sécurité de l’ONU, on peut se demander de quel droit l’agressé est autorisé à se faire justice lui-même par une intervention militaire même "ciblée". Est-ce que la guerre est le seul moyen utilisable compte tenu du rôle actuel des organisations internationales ? Il faut avouer qu’il n’y a guère pour l’instant d’autres solutions efficaces disponibles4. On peut imaginer bien sûr une réponse judiciaire avec la procédure habituelle de plaintes, d’enquêtes et de procès. Mais dans le contexte présent la compartimentation des justices nationales rend extrêmement aléatoires les résultats d’une telle démarche par nature internationale, même avec une pression politique forte. De plus elle serait, dans l’immédiat, politiquement peu compatible avec l’émotion et la peur soulevées aux Etats-Unis et ailleurs par l’ampleur spectaculaire des attentats du mois de septembre5.

Si la légitimité de l’action militaire américaine pose question, mais s’il n’y a pas d’autre solution, peut-on néanmoins considérer qu’elle est raisonnablement proportionnée à l’agression initiale ? Ce n’est même pas sûr car la guerre a et aura encore des effets collatéraux pour les civils afghans, c’est inévitable : il peut s’agir des victimes civiles des bombardements ou d’éventuelles attaques terrestres et des dégâts, à termes rapprochés et plus lointains, relatifs à l’économie, la nature et surtout les hommes et leur développement. Globalement le nombre de victimes innocentes peut rapidement dépasser celle des attentats ! Il n’y a pas de guerre juste possible dans ce cas car il s’agit d’un moyen de masse qui ne va pas atteindre que les Talibans et leurs amis terroristes. On peut conclure que sur le plan de la justice, considérée autrement que comme la loi du talion, la solution américaine n’est pas véritablement juste mais qu’elle est sans doute inévitable compte tenu de la situation politique et institutionnelle actuelle.

Organiser la Paix pour ne plus avoir à faire la guerre !

Face à ce paradoxe sanglant entre justice et injustice, on peut être tenté de se tourner vers la solution pacifique traditionnelle concrétisée par le refus de la guerre : cela n’est pas suffisant car l’homme, animal dénaturé, va toujours trouver de bonnes raisons d’entamer des actions violentes contre d’autres hommes6. Il faut aller plus loin et s’efforcer d’organiser la paix internationale. Même s’il s’agit de faire un rêve, pour l’immédiat du moins, cela n’est sûrement pas inconcevable et cela serait un moyen de dépasser le paradoxe mentionné plus haut.

Dans les nations démocratiques, la guerre interne est évitée le plus souvent par le recours à la justice. Il faudrait envisager quelque chose de semblable pour les actions terroristes. Organiser la paix pour tenter d’éviter la guerre, ce serait légaliser, institutionnaliser la sanction contre le terrorisme à la manière de ce qui existe déjà sur le plan international pour les crimes contre l’humanité.

Cette justice internationale sera par nature imparfaite, comme les hommes et leurs institutions, mais elle devrait limiter les recours à la solution militaire traditionnelle et ses effets pervers : effets collatéraux meurtriers ou traumatisants, immédiats ou décalés. En particulier on peut craindre les enchaînements psychologiques défavorables : une défaite débouche un besoin de revanche. En effet comme l’histoire l’a trop souvent montré, une première guerre en entraîne une seconde, puis une troisième … L’enchaînement pourrait être rompu par la coopération des Etats et l’action d’une justice internationale ou mondiale. Après de nombreux épisodes sanglants, l’Union européenne semble constituer un bon exemple de pacification des relations nationales par la coopération. Il reste qu’il ne faut pas rêver et que "Le droit n’efface pas les rapports de force" (Delmas-Marty, 2001, p. 30) mais il est sans doute le mieux à même d’assurer globalement un respect minimal de la dignité humaine dans le temps.

Les responsables politiques n’auraient plus alors à faire la guerre pour assurer une justice indispensable pour les uns mais très injuste pour la liberté des autres. La priorité devrait être de construire la Paix par le biais d’une organisation mondiale de la Justice, c’est sans doute la seule façon de garantir au mieux la liberté des uns et des autres d’exister et de se développer, c’est-à-dire d’éviter dans ce cas trop d’injustice. Il faut se donner les moyens (institutions et règles) d’augmenter les chances de la Paix. Cela pourrait être cela aussi une mondialisation plus humaine : la construction d’un espace judiciaire international, mondial7, pourrait, sans doute, contribuer à créer une convergence entre la globalisation du commerce déjà bien entamée et celle des droits de l’homme qui est encore elle, largement à développer.

Bibliographie

Gauthier Ursula et Lemonnier Marie (2001), "18 mots pour comprendre. Ce que dit l’islam", le nouvel Observateur, n° 1926, du 4 au 10 octobre, p. 34-36.
Heisbourg François (2001), "Défense. A nouveaux périls, nouvelle stratégie", le nouvel Observateur, n° 1927, du 11 au 17 octobre, p. 22.
Delmas-Marty Mireille (2001), "Europe judiciaire. Le coup d’accélérateur", le nouvel Observateur, n° 1927, du 11 au 17 octobre, p. 28-30.

Notes

1.Il s’agirait d’une menace d’un type non conventionnel, d’une guerre asymétrique (acteurs, enjeux, moyens) ou d’un hyper terrorisme caractérisé par l’absence de revendications territoriale et de pouvoir (Heisbourg, 2001, p. 22). Cependant il semble possible, même si l’histoire ne se répète pas, de rapprocher ces événements d’autres faits, certes de moindre ampleur, mais de nature à priori proches comme les attentats des terroristes anarchistes.

2 Ce n’est qu’un des aspects de la riposte, qui est aussi financière, diplomatique, policière et économique, mais il reste actuellement le plus visible, le plus médiatisé. Il semble même que, pour certains spécialistes du moins, l’aspect militaire devienne minoritaire : pour la guerre du Golfe 90 % des moyens mis en œuvre étaient militaires, cette fois le ratio tomberait à 30 % (Heisbourg, 2001, p. 22). On pourrait se réjouir de cette évolution mais sa mise en œuvre et son efficacité supposent une coopération forte des alliés de la coalition et des mesures décisives concernant le secret bancaire et les paradis fiscaux !

3 Il s’agit de l’idéologie de l’islam radical, militant qui assigne à la religion des fins politiques et dont l’objectif est de s’emparer du pouvoir à tout prix afin de fonder une société islamique : l’islam c’est la solution (Gauthier et Lemonnier, 2001, p. 36).

4 La Cour pénale internationale n’a pas une compétence explicite étendue au terrorisme, mais la définition du crime contre l’humanité pourrait, selon certains juristes (Delmas-Marty, 2001, p. 28), s’appliquer aux attentats du 11 septembre 2001. Le problème est que son fonctionnement suppose la ratification de la Convention de Rome par 60 pays : ce n’est pas le cas actuellement et l’on doit remarquer que les Etats-Unis en particulier semblent peu enclins à la ratifier !

5 D’une manière générale le problème posé est celui de la réponse des responsables politiques à la demande sécuritaire des individus. Le problème, très présent actuellement dans les pays occidentaux et souvent déterminant dans les campagnes électorales, prend une dimension internationale nouvelle avec les attentats du 11 septembre 2001.

6 On peut imaginer, après une évolution favorable plus ou moins longue, un monde où les hommes seraient non violents. Mais, pour l’instant, il semble plus raisonnable, compte tenu de ce que l’on sait de notre histoire ancienne et récente, de considérer la violence humaine comme un élément incontournable du fonctionnement de nos sociétés !

7 Mireille Delmas-Marty (2001, p. 28) fait remarquer que des projets dans ce sens existent dans le cadre de l’Union européenne avec un mandat d’arrêt européen et un texte sur le terrorisme.
 

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Eric Schwarz

Autogenesis
Centre d'études sur les systèmes autonomes
Université de Neuchâtel, CH-2000 Neuchâtel, Suisse
 <Eric.Schwarz@unine.ch>
 http://www.autogenesis.ch

Quelques réflexions (systémiques) sur le présent et l'avenir de la société moderne













1. Introduction

J'aimerais profiter de la pertinente invitation des rédacteurs de Res Systemica pour partager avec les lecteurs de ce journal quelques réflexions suscitées par la situation actuelle de notre société, voire de notre civilisation, et plus particulièrement par la récente accélération d'événements inattendus, regrettables et/ou violents. A tel point qu'on en vient à se demander si la grille de lecture scientifique habituelle - mécaniste, dualiste, objectiviste, réductionniste - est bien adaptée à l'interprétation des systèmes complexes sociaux et écologiques, que nous avons pour l'essentiel créés nous-mêmes.

Pour ces quelques considérations, je m'inspirerai d'une communication invitée que j'ai eu l'occasion de présenter en août 2001 à la "Fifth International Conference on Computing Anticipatory Systems" organisée par Daniel Dubois et qui s'est tenue à Liège du 13 au 18 août 2001. Le texte complet paraîtra prochainement dans les actes de cette conférence (Schwarz, 2001).

Comme le savent bien les lecteurs de ce journal, la vision systémique est fondée sur l'hypothèse que la nature, au sens le plus général englobant évidemment les sociétés humaines, l'écosystème terrestre et l'ensemble du cosmos, est constituée d'entités non-isolées (au sens thermodynamique), interactives et dynamiques appelées systèmes. Ceux-ci possèdent des caractéristiques collectives émergentes, irréductibles à leurs composants - mais dépendant néanmoins de leurs dynamiques - comme les propriétés holistiques d'auto-régulation, d'auto-organisation, d'auto-production (ou autopoièse, logique de la vie) ou d'auto-création (manifestation de leur autonomie).

Tous les systèmes ne jouissent évidemment pas de l'ensemble de ces propriétés; toutefois, suivant leur degré de complexité, les systèmes naturels présentent un degré plus ou moins marqué d'autonomie (la faculté de se donner sa propre loi). Terminons cette description trop succincte du cœur de la vision systémique du monde en rappelant que les systèmes peuvent interagir non seulement sur un plan horizontal, comme des marchands en compétition sur un marché ou des joueurs sur un terrain de football, mais également verticalement, comme un être humain composant d'un système social, est lui-même constitué de sous-systèmes, ses organes, eux-mêmes composés de tissus, de cellules, de molécules, etc. (structure de type fractal).

L'essentiel de notre réflexion consiste

2. Progrès et problèmes actuels

Les événements du 11 septembre ne sont que les plus récents et les plus dramatiques d'une longue série de phénomènes inattendus, non recherchés et dont l'origine est un défi à notre vision du monde et à notre façon de le comprendre et de le gérer. Rappelons-en quelques uns.

Les plus visibles touchent l'économie et la technologie:

Les transformations sociales et culturelles s'accélèrent également Les problèmes écologiques dus à l'explosion des échanges de matière et d'énergie dans la société sont bien connus: changements climatiques,. épuisement des ressources, pollution de l'air, du sol et des eaux.

Les événements qui se sont succédés durant les premiers mois du 21ème siècle ne sont-ils qu'une fluctuation non signifiante ou le symptôme de la désagrégation d'une organisation sociétale ayant achevé un cycle historique ?

Nous sommes d'avis que ces cascades d'événements ne sont pas de simples accidents statistiques mais sont causés fondamentalement par l'inadéquation de notre Weltanschauung et de nos méthodes de gestion des situations complexes. Les grilles de lecture habituelles, comme les religions et les idéologies politiques, ne sont pas pertinentes pour interpréter ce qui se passe. Les monodisciplines académiques, science économique - sociologie, psychologie, anthropologie, etc - sont insuffisantes pour appréhender seules ces situations hybrides.

Les systèmes complexes à fort caractère d'autonomie - dotés de capacités d'auto-régulation, d'auto-organisation, d'auto-production ou d'auto-création - ne peuvent être interprétés ni par des sciences dures de type mécaniste ni par des sciences "molles" trop anthropocentristes.

Ce qui est requis est un modèle - ou mieux un langage, une épistémologie - adapté à la description et l'interprétation des systèmes complexes et de leurs caractéristiques les plus relationnelles et holistiques, invisibles par les sciences physicalistes. Depuis une cinquantaine d'années plusieurs pistes de recherche ont été suivies dans cette direction grâce à la cybernétique, la théorie générale des systèmes, la dynamique non linéaire (théorie du chaos), les théories des systèmes complexes adaptatifs, les sciences cognitives (intelligence artificielle, vie artificielle, etc.). De nombreux concepts nouveaux ont été proposés dans le champ de ces sciences systémiques.

3. Un langage systémique transdisciplinaire

Nous avons quant à nous tenté d'élaborer un langage général, adapté à l'interprétation des systèmes complexes possédant des caractères d'autonomie, et basé sur plusieurs concepts de la cybernétique et des théories systémiques (Schwarz 1997). On trouvera une courte présentation de ce métamodèle - un modèle général pour faire des modèles - à l'adresse: < www.autogenesis.ch >. Au plan ontologique, ce langage est construit par une extension de la vision mécaniste dans laquelle on considère que la réalité est purement matérielle, alors qu'ici on propose que ce qui existe, l'existentiel, a deux aspects, un aspect physique matériel comme dans le paradigme mécaniste et un aspect relationnel, non matériel, qui peut être vu comme le champ des relations potentielles immanentes au système, et qui vont en conditionner l'évolution ultérieure. Ainsi l'état existentiel complet d'un système est décrit par son état actuel physique (état présent) et le champ de ses états virtuels (états futurs possibles).

Le point de départ de notre langage est un système générique, le système le plus simple qui se puisse imaginer: deux éléments en interaction dont émerge le système; d'où les trois catégories basiques d'objet (monde de l'énergie-matière), de relation (monde de l'information) et de totalité (totalité existentielle).

Le deuxième motif est une spirale représentant les étapes de l'auto-organisation du système général: tensions précédant l'auto-organisation du milieu (conditions non linéaires), instabilité avec amplification possible d'une fluctuation (aléa), métamorphose, stabilité-maturité, dérive tropique (actualisation des potentialités), puis nouvelles tensions (conditions loin de l'équilibre), donc conditions d'instabilité où une autre fluctuation peut déclencher une nouvelle métamorphose à un autre niveau. Plus précisément, la zone d'instabilité aboutit à une bifurcation à trois branches qui conduisent soit à une nouvelle métamorphose, soit à une continuation du régime précédent avec quelques ajustements, soit à une destructuration, une régression vers des conditions de type antérieur.

Le troisième motif du métamodèle concerne le long terme: l'itération de ces spirales donne naissance (ou peut donner naissance) à une évolution vers une complexité et une systémité croissantes, marquée par l'apparition successive de six cycles de plus en plus abstraits. Ainsi, la complexification et l'autonomisation des systèmes sont signalées par l'apparition des cycles suivants: 1) morphogenèse (auto-organisation), 2) tourbillons (recyclage matériel), 3) rétroaction (boucles cybernétiques), 4) autoproduction (autopoièse, la logique de la vie), 5) auto-référence (correspondance entre l'aspect physique du système et son aspect relationnel), 6) autogenèse (conduisant à l'autonomie complète).

4. La typologie des systèmes de valeurs de Graves

Dans le milieu des années 1960, à l'époque de la guerre du Vietnam et des manifestations estudiantines aux Etats-Unis, à Paris et ailleurs, C.W. Graves eut le sentiment que la société occidentale s'engageait dans une transition dans ses systèmes de valeurs. Approfondissant son travail (Graves 1974), il élabora une typologie des systèmes de valeurs ou des modes d'existence auxquels ont recours les individus et les sociétés en face des différents défis posés par le milieu. Il proposa huit systèmes de valeurs que l'on peut corréler aux six cycles de l'évolution du système général, ce qui nous a paru donner confiance autant dans le modèle de Graves que dans notre métamodèle. On trouvera les détails de cette correspondance dans Schwarz 1998. Mentionnons ici simplement la liste des niveaux existentiels proposés par Graves: 0) organique (survie physique), 1) tribal (vie dans le groupe), 2) égocentrique (moi et mes biens), 3) absolutiste (soumission à un ordre absolu), 4) matérialiste (progrès par l'usage de la raison), 5) humaniste (vie solidaire avec ses semblables), 6a) intégratif (self intégré dans la nature), 6b) holistique (vision globale, non dualité).

5. Application à la société moderne

Suivant Graves et en utilisant notre représentation en spirale, nous proposons que la société moderne a parcouru depuis la Renaissance la plus grande partie du cycle matérialiste-rationaliste et se trouve actuellement à la bifurcation qui débouche sur trois trajectoires possibles: A) poursuite de ce mode existentiel après correction des excès les plus flagrants, B) régression vers des modes déjà parcourus (absolutiste, égocentrique ou tribal), C) métamorphose vers des modes nouveaux (humaniste et intégratif).

Le mode de fonctionnement A est fondé sur une vision du monde réaliste et matérialiste, une approche empirico-analytique et un modèle scientifique mécaniste, déterministe, quantitatif et dualiste. Il est accompagné d'un système de valeurs où l'on cultive l'utilitarisme, la recherche pragmatique des opportunités, où l'on célèbre l'ambition, la compétition et les gagnants. Sa manifestation concrète est une société construite sur une économie capitaliste (logique de reproduction et de croissance du capital), l'innovation par la technologie, et la monétarisation croissante des activités humaines.

La trajectoire B ramène à des systèmes de valeurs et de croyances déjà pratiqués dans l'histoire: *) absolutiste, caractérisé par une organisation forte fondée sur une croyance religieuse ou idéologique (Nation, Eglise, Parti) pouvant déboucher sur toutes sortes d'intégrismes idéologiques; *) égocentriste pouvant conduire à l'ethnocentrisme, au racisme, à l'hostilité vis-vis des autres; *) tribal, souvent accompagné de variantes d'animisme (superstitions, sectes, gourous, etc.).

La dernière branche, C, pointe vers les systèmes de valeurs: humaniste, visant à favoriser les aspirations humaines en solidarité avec les autres, et intégratif, avec prise de conscience de l'unité de l'homme et de la nature.

Dans notre interprétation de l'état actuel de la société moderne, nous serions dans la zone chaotique qui marque la fin du paradigme mécaniste-matérialiste et l'émergence d'un autre paradigme parmi trois types possibles (voir fig.). Cette zone floue est marquée par le fait que des précurseurs des trois possibilités sont présents simultanément provoquant les tensions observées.

Les pressions pour la poursuite du système A sont nombreuses: développement des activités technico-économiques, processus pour maintenir la profitabilité du système économique (OMC, dérégulation, privatisation, délocalisation vers les zones à bas salaires, limitations écologiques minimales, mondialisation du champ du système économique).

De nombreux événements récents s'inscrivent dans la naissance de la branche humaniste et intégrative C: mouvement écologiste, révoltes des populations d'Europe de l'Est, résistance civile au tout économique (Seattle, Davos, Gênes). Les tensions croissantes entre pays "riches" et pays "pauvres" concrétisent le décalage entre les aspirations humaines (C) et la logique du système économique rationaliste et matérialiste (A). Enfin, on observe sous toutes les latitudes des mouvements intégristes, des guerres ethniques et des dérives sectaires (B).

De nombreuses réflexions seront encore à mener pour interpréter ce qui nous arrive. Toutefois, nous pensons que la prise de conscience de la dynamique systémique à l'œuvre dans l'évolution de la société ne peut qu'augmenter notre capacité de l'infléchir dans un sens favorable à l'homme. L'évolution de la société n'est ni prédéterminée par des forces mystérieuses ni neutre et mécanique dans l'attente de la décision d'une instance politique ou économique. Son aspect collectif donc holistique exige un changement radical de notre image fragmentée du monde et de notre système de valeurs.

Références

Graves C. W., 1974. Human Nature Prepares for a Momentous Leap.
The Futurist. Journal of the World Future Society. Bethesda, April 1974.
Schwarz E., 1997. Toward a Holistic Cybernetics: From Science through Epistemology to Being. Cybernetics and Human Knowing. A Journal of Second Order Cybernetics and Semiotics. Aalborg (DK) Vol. 4, No. 1, pp. 17-49, 1997.
Schwarz E., 1998. Seven Steps in the General Evolution of Systems. An Application to the Levels of Existence by C. W. Graves. Systems. Journal of Transdisciplinary Systems Science, Vol. 3. N°1., Wroclaw, Poland 1998
Schwarz E. 2001. Anticipating Systems. An Application to the Possible Futures of Contemporary Western Society. Casys, International Journal of Computing Anticipatory Systems. Proceedings of the 5th International Conference on Computing Anticipatory Systems, Casys' 2001 (à paraître).
 

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Robert Vallée
<r.vallee@afscet.asso.fr>
 
 
 

De la caverne de Platon à la diversité nécessaire



Par sa métaphore de la caverne, Platon a introduit une idée qui éclaire la nature des infirmités d’un système percevant et même agissant. Qu’il s’agisse d’un individu, centré nécessairement sur lui-même, ou d’une nation située au cœur d’un continent, à l’instar des prisonniers de la caverne, tous plaquent, par un "transfert inverse" (2) sur un réel imparfaitement perçu, des structures mentales ou culturelles qui leur sont propres. Voulant agir, ces individus et surtout ces nations, aveugles sur eux-mêmes comme sur le reste du monde, adoptent des attitudes dont les conséquences, à moyen et à long terme, leur échappent.

Ce type de difficulté est inévitable mais il pourrait être atténué si conscience était prise de son existence. De même que l’historien ne peut totalement éviter de projeter les structures, sociales et mentales de son temps, sur l’époque qu’il étudie, de même les gouvernants devraient tenir compte de la possibilité d’une subjectivité à laquelle il leur appartient d’essayer de se soustraire.

Un autre concept , de nature systémique, est celui introduit par Ross Ashby sous le nom de "requisite variety" (1). Cette expression est traduite en français le plus souvent par " variété requise ", bien qu’Ashby ait recommandé de dire "diversité indispensable", et qu’il serait peut-être plus exact d’écrire "diversité nécessaire" ou encore "diversité nécessaire et suffisante".Si la diversité des méthodes, des stratégies, mises en réserve et se trouvant donc à disposition en face de situations imprévues, permet d’espérer l’usage d’une réplique adaptée, l’extrême morcellement des attitudes possibles au même titre que la tactique unique, sont à déconseiller par suite d’une complication excessive pour le premier et d’un risque d’inadéquation pour la seconde. Mais il y a un moyen terme entre les deux formes extrêmes de la fonction de Laplace-Gauss : le delta de Dirac et la "distribution aplatie" (2), entre le tout concentré et le tout réparti. C’est donc à un arsenal de réponses en nombre optimal, ni trop grand ni trop petit, que l’on doit songer. Il convient d’avoir plusieurs cordes à son arc mais il ne faut pas en avoir trop.

Cette diversité, convenablement dosée, a permis à certaines espèces de survivre, face à des changements dramatiques, en leur permettant de mettre en œuvre des facultés précédemment inutilisées. La famine qui a touché l’Irlande au dix-neuvième siècle n’aurait pas eu la même ampleur si les habitants n’avaient pas pratiqué la culture presque exclusive de la pomme de terre et avaient pris l’habitude de consommer aussi le poisson abondant sur leurs côtes. Dans le domaines social, celui qui veut éviter de se trouver exclu doit posséder plusieurs compétences accompagnées d’une culture générale lui permettant un rétablissement adéquat, toutes choses qui vont à l’encontre de la spécialisation unique recommandée depuis plus d’un demi-siècle.

A un niveau plus élevé, on peut dire, pour durer, une civilisation doit éviter la pensée unique tout autant que l’éparpillement des doctrines. Elle doit avoir à sa disposition plusieurs visions recevables du monde car on la, sait mortelle, au moins depuis Paul Valéry. Si elle est attaquée, de l’intérieur ou de l’extérieur, par des moyens inédits, elle ne peut faire face qu’en mobilisant des attitudes nouvelles. Si nous considérons maintenant l’humanité tout entière, pour survivre elle doit éviter le choix, volontaire ou imposé, d’une culture unique, car si elle aperçoit les dangers auxquels elle est actuellement exposée, elle ne connaît pas ceux qui sont à venir. N’aurait-elle pas alors intérêt à sauvegarder la coexistence, espérée pacifique, de plusieurs cultures et de leurs moyens d’expression, à se placer entre la concentration abusive et la dilution inefficace. La mondialisation ne doit être synonyme ni de monolithisme rigide ni de vaine dispersion.

  1. (1) Ashby W.R., 1956, An Introduction to Cybernetics, Chapman and Hall, Londres, pp.206-213.
  2. (2) Vallée R., 1995, Cognition et système, L’Interdisciplinaire, Limonest, pp.40-42 et p.76 (note 19).
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